Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Ils ont fait la légende du Racing

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Par athor
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Depuis un peu plus de deux ans, les DNA publient régulièrement un grand format consacré à un ancien joueur du Racing. Certains de ces très riches articles sont aujourd’hui compilés dans un livre. Rencontre avec son auteur, le journaliste Julien-Thomas Will.

Lancé fin 2020, la rubrique « Le Racing dans le coeur » donne la parole à d'anciens joueurs du Racing, de toutes les époques, et donne souvent lieu à des anecdotes inédites et savoureuses. Julien-Thomas Will, responsable de la rubrique, a réuni une vingtaine de ces entretiens dans un livre, Ils ont fait la légende du Racing, paru aux éditions de la Nuée bleue. Pour racingstub.com, il revient sur la genèse de ces articles et sur son travail.


Racingstub.com: Pour commencer, peux-tu te présenter ?
JTW: Je suis journaliste aux DNA, au service des sports, depuis 10 ans et je suis basé à Colmar. Depuis quelques saisons maintenant, je suis le Racing, mais pas forcément au quotidien, puisque j’ai des collègues à Strasbourg qui s’en occupent. J’interviens plus en veille de match, en match et sur la série des anciens qui gravite autour du club, sans être dans l’actualité chaude. Je fais aussi le suivi du foot amateur en général en Alsace, j’avais travaillé autour des SR Colmar en National. Et depuis 2015, je fais le suivi de l’équipe de France de foot pour le groupe EBRA, avec déjà deux Euros et deux Coupes du Monde.

Tu travailles donc autour du Racing mais quel est ton rapport personnel avec le club ?

Je suis né à Sarreguemines. Là-bas, on est soit supporter du Racing, soit supporter de Metz, puisqu’on est un peu à la même distance des deux clubs. Et il se trouve qu’à Sarreguemines, quand j’étais enfant, il y avait une agence des DNA, où mon père était journaliste et il a eu l’opportunité d’aller à la Meinau avec moi. Mes premiers matchs, c’était pas trop mal, puisque c’était Racing-AC Milan en 1995, j’étais derrière le but d’Alexander Vencel quand Marco Simone lui met le petit piqué, et le deuxième c’était Racing-Liverpool en 1997. Et quand tu sors de ce match, tu as juste envie de revenir, c’était grandiose, je me dis que c’est un club sympa à suivre, même si je savais qu’on ne jouerait pas la coupe d’Europe tous les ans.

Quel est l’origine de ta chronique sur les anciens joueurs du Racing ?

Ça a commencé en décembre 2020, à la suite du deuxième confinement. J’avais déjà cette idée en tête, car je me disais que c’est une matière qu’on n’exploitait pas suffisamment à mon goût alors que c’est très riche. Il se trouve que le collègue du journal Le Progrès, avec qui je travaillais sur l’équipe de France avait une rubrique de ce genre, qui s’appelait « Gone un jour » et il me disait que les retours étaient plutôt positifs de la part des lecteurs. Quand on est dans l’actualité chaude, ça me paraissait compliqué de consacrer au moins une journée à ça, mais avec le confinement, c’était le moment de se lancer. 

Le premier interlocuteur était David Zitelli, qui était vraiment sympa et qui m’a donné plusieurs anecdotes. Je me suis dit que c’était plutôt prometteur. Ça s’est lancé comme ça, les retours étaient aussi très positifs, peut-être parce que ça manquait.

Outre Le Progrès, l’Equipe propose aussi une rubrique sur les anciens joueurs le dimanche (Paroles d’ex).

Eux c’est sous forme d’interview, c’est peut-être un peu moins « écrit », mais c’est la force de l’anecdote. C’est bien quand ces joueurs ont du recul, se lâchent un peu plus, ce qui est vrai dans 90% des cas, puisqu’il y en a toujours qui sont sur la retenue. Mais là, tu peux dire les choses sans acrimonie, c’est bien, car aujourd’hui le foot est tellement aseptisé, avec joueurs entraînés à ne pas répondre aux questions. C’est un peu plus léger et ça fait du bien.

Le fait que ce soient des anciens joueurs, donc plus vraiment dans le « circuit », fait que leur parole est un peu plus libre non ?

L’idée était vraiment de balayer toutes les époques, aussi bien des années 50 jusqu’à aujourd’hui, et j’aime bien faire des joueurs contemporains pour varier un peu, mais ceux qui sont encore en activité sont ceux qui ont le plus de mal à se lâcher car ils connaissent encore les gens au club et certains joueurs. Juste avant Lorient, j’avais prévu d’échanger avec Lamine Koné mais tu sens qu’il est sur la réserve. 

Comment se fait le choix des joueurs interviewés ?

Au départ, c’est une rubrique « magazine » qu’on a tout de même choisi de raccrocher à l’actualité, en se collant au match joué par le Racing, pour que cela ne soit pas complètement déconnecté, avec un joueur qui a porté les deux maillots. Ça fait deux ans et demi qu’on s’y tient, mais ça va peut-être un peu évoluer parce qu’il y a des profils qui ne rentrent pas dans ce cadre, notamment les joueurs étrangers. On va donc un peu élargir la focale. 

Une fois le joueur identifié, comment se passe le contact ?

Pour les joueurs les plus récemment étonnamment, ce n’est pas toujours simple parce qu’on a des numéros de téléphone qui ne fonctionnent plus au bout de six mois. Mais c’est souvent la partie la plus compliquée. Pour ceux qui sont encore en Alsace, c’est plus facile, mais pour d’autres ailleurs, dont on n’a plus trop de nouvelles, il faut les débusquer. Je passe parfois par l’association des anciens joueurs du Racing, avec Dany Chavanel. C’est aussi via les confrères d’autres journaux régionaux pour savoir s’ils ont des pistes, ou bien simplement par les réseaux sociaux.

Ensuite, il faut aussi avoir de la chance pour qu’ils répondent, parce que cela m’est aussi arrivé d’avoir des gens qui ne m’ont pas répondu. Un seul joueur a décliné, non pas par méchanceté ou à cause de griefs contre le Racing, mais parce qu’il ne voulait plus entendre parler de football, c’est Pascal Johansen.

Dans le livre, et dans la rubrique également, il y a une grande variété de profils de joueurs, allant du joueur emblématique au joueur des années amateurs, c’est un choix ?

Oui, l’idée de la série, c’est d’abord de prendre des joueurs connus, mais j’aime bien aussi parler de joueurs moins connus, qui ont vécu des choses tout aussi fortes, et raconter aussi l’histoire de joueurs qui ne réussissent pas entre guillemets. Il y a des gens qui sont attachées au club qui ont connu des difficultés, comme Rudy Carlier, qui n’a pas forcément marqué l’histoire du club mais qui a dû se battre simplement pour pouvoir s’entraîner et avoir l’opportunité de jouer, qui a été prêté et reprêté, ça décrit aussi un environnement du football compliqué.

Dans le livre, il y avait quelques lignes éditoriales. Déjà avoir plusieurs époques pour balayer l’histoire du Racing, comme Marc Molitor avec l’époque du RPSM qui est peu connue, Jean Wendling qui parle du WM ou encore Jean Schuth qui parle des ballons en cuir gorgé d’eau. Après, aussi avoir tous les postes, du gardien à l’attaquant, et enfin, avoir des destins de joueurs emblématiques et des gens un peu moins connus, comme ceux de la période CFA-National. Je pense par exemple à Jean-Philippe Sabo qui a vécu le match à Epinal contre Raon, qui est finalement un match emblématique pour la génération actuelle. 

Les joueurs n’ont-ils pas tendance à avoir une mémoire sélective et à ne retenir que le positif ?

Quand tu parles d’un club, tu as envie de ne mettre en avant que ce qui s’est bien passé. L’idée, quand ils peuvent avoir la mémoire sélective, c’est d’essayer de préparer l’entretien au mieux pour les faire rebondir. Mais globalement, les joueurs, avec le recul, ont assez de lucidité pour dire ce qui n’a pas fonctionné (même si parfois, c’est l’entraîneur qui prend), dire qu’ils auraient aussi pu faire autrement. Plus on s’éloigne dans le temps, plus les joueurs ont à l’esprit ce qu’ils ont peut-être raté au Racing.

Au-delà de la prise de contact, comment se préparent ces entretiens ?

Ça dépend. Pour un joueur qui est resté longtemps au Racing, il y a beaucoup de choses à aller chercher. Quelqu’un qui n’a fait qu’une ou deux saisons, qui n’a eu que peu de temps de jeu, c’est plus rapide. Par exemple, pour Marc Molitor, je le reconnais très humblement, avant de l’appeler, je ne connaissais pas son histoire. Et là, j’ai vraiment dû travailler, au moins une journée, à trouver des infos sur le web, puis dans nos archives aux DNA, pour lire les comptes-rendus de matchs. Ensuite, il faut ordonner tout ça, et en faisant ça, lors de l’entretien, j’apprends encore de nouvelles choses mais je peux aussi rebondir pour aller plus loin et aller chercher des choses un peu enfouis en leur rappelant certains faits.
 
Et parfois, les échanges peuvent aussi être très longs au téléphone. Le record, c’est Gilbert Gress, c’est trois heures. Je me souviens, j’avais annexé la cuisine et ma fille n’avait même pas pu prendre son goûter à 4h. Même lui à la fin n’en pouvait plus ! Mais en général, ça tourne autour d’une heure et demie, parce que j’aime bien les laisser parler, pour qu’ils se laissent aussi porter par la discussion.

Avant un échange, as-tu défini un angle sur lequel tu veux emmener la personne ?

Dans le journal, il y a un article principal et un petit décrochage sur un fait marquant, et j’essaye effectivement de cibler le fait que j’aimerai ressortir, par rapport au palmarès par exemple. Mais parfois, je pars sur une idée, et lors de la discussion, il part sur quelque chose d’autre qui me parait plus intéressant. Quand j’avais fait Mamadou Niang, je partais sur la coupe de la ligue 2005, et il me raconte comment il avait été remis sur le droit chemin par Antoine Kombouaré, et comment il gérait mal les à-côtés du foot (hygiène de vie, coucher trop tard, sorties…). Dans la discussion, c’est lui qui a amené le sujet et je trouvais ça intéressant de souligner que c’est au Racing qu’il est devenu plus professionnel et que ça l’a porté toute sa carrière ensuite.

Depuis le lancement de la rubrique, combien d’entretiens as-tu réalisé ?

Lamine Koné était le 67ème, on en a aussi fait trois inédits pour le livre. Ça représente un joli corpus désormais. On va poursuivre, parce que c’est déjà un exercice qui me plait, et les retours sont sympas et encourageants. Les joueurs sont aussi plutôt contents d’avoir leur page, ceux qui sont dans la région achètent le journal, les autres, je leur envoie le pdf pour le souvenir ou parfois je leur envoie le journal. 

Les retours du Racing sont aussi très bons, puisque ça le met en valeur. Dans tous les témoignages, même pour les joueurs qui ont plus de mal, ils soulignent que c’est un club historique, avec un fort ancrage, qu’il y a un vrai public. Et quand on croise des lecteurs ou qu’on reçoit un mail de quelqu’un qui dit « tiens, ça m’a fait plaisir d’avoir des nouvelles d’untel, je ne savais pas ce qu’il était devenu ».

Qui est le meilleur client que tu aies eu ?

Celui avec qui j’ai fais que rigoler, c’est Pascal Nouma évidemment, qui est dans le livre. Il a été fidèle à l’idée que j’avais de lui, de sa réputation de bon vivant. C’est vrai qu’il est assez solaire, il te raconte des choses sur sa vie de footballeur, sur ses sorties nocturnes, avec une franchise et un naturel. Tu te dis qu’à cette époque-là, sans les réseaux sociaux, les joueurs étaient peut-être plus libres et lui ne s’en privait pas.

Un dernier mot aussi sur la richesse des photos, notamment sur la version web de ces articles.

J’ai tendance à vouloir beaucoup écrire, surtout avec la matière que j’ai, donc souvent, dans le journal, il n’y a que trois photos, mais dans le livre, on a pu en mettre un peu plus, et sur le web, on peut se faire plaisir effectivement. On a une grosse base de données aux DNA, même si tout n’est pas numérisé. Heureusement, on a un service archives très compétent, que je mets souvent à contribution, les pauvres, quand je leur demande de chercher dans les négatifs des années 1950-1960, dont certains sont en mauvais état. Ça permet de montrer des images inédites, et la force de l’image accompagne bien le texte, comme quand on montre des images des vestiaires lors du titre de 1979 à Lyon. 

Un grand merci à Julien-Thomas Will pour sa disponibilité.
L'auteur sera présent le mercredi 21 juin à 17h à la librairie Kleber de Strasbourg.

athor

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