Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Alors, on attendait pas Patrick ?

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Par mouloungoal
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C'est donc à Patrick Vieira qu'incombe la lourde tâche d'incarner le Racing version BlueCo. Tout le monde connait le joueur légendaire, mais qu'en est-il de l'entraîneur?

Marc Keller l’avait annoncé lors de l’officialisation de la vente du Racing au consortium BlueCo, « l’arrivée du consortium doit nous permettre de […] mettre en place les conditions d’une nouvelle ambition, d’avancer dans la continuité, en s’appuyant sur les bases qui ont fait notre succès. » Il était alors difficilement envisageable de voir Frédéric Antonetti, envers qui les supporters du Racing resteront néanmoins éternellement reconnaissants d’avoir mené avec succès sa mission sauvetage, incarner cette nouvelle ambition affichée publiquement. Parmi les noms qui sont rapidement ressortis dans la presse, quelques habitués, notamment Sabri Lamouchi, et trois nouveaux : Philippe Montanier, Karel Geraerts et Patrick Vieira. Le club semblant privilégier un coach francophone, il ne restait donc plus que Montanier et Vieira et qui de mieux pour incarner cette nouvelle dimension internationale du Racing qu’un des meilleurs joueurs au monde des années 90-2000 ?

Le joueur mythique

Car oui le palmarès de Patrick Vieira joueur, qui a inscrit son premier but en D1 avec Cannes, face au Racing (ça ne s’invente pas), peut donner le tournis :

  • 3 fois champion d’Angleterre avec Arsenal (1998, 2002 et 2004), dont deux triplés championnat, coupe d’Angleterre, Community Shield, dans l’équipe des « Invincibles » menés par Arsène Wenger et dont il fut le capitaine à partir de 2002. Son nom est encore scandé aujourd’hui dans les travées de l’Emirates Stadium lorsqu’il apparait au stade. Il fait bien sûr partie du « meilleur 11 de tous les temps » élu par les fans du club.
  • 5 fois champion d’Italie avec le Milan AC (1996, même s’il n’a joué que 2 matchs de championnat), puis avec l’Inter Milan (2007 à 2010).
  • 1 ligue des champions avec l’Inter Milan en 2010
  • Champion du Monde (1998) et Champion d’Europe (2000)


Sans compter les multiples récompenses individuelles. Il faut bien se rendre compte que le Racing attire là une légende du football. Rien pour le plaisir des yeux, un best-of de « la pieuvre » :



Oui je vois certains d’entre vous penser très fort, et à raison, que les grands joueurs (surtout lorsqu’ils mesurent 1m93) ne font pas forcément de grands entraineurs, et inversement. Qu’en est-il donc de Patrick Vieira entraineur ?

Les débuts à Manchester City, puis en MLS

En juillet 2011, à 35 ans, Patrick Vieira alors joueur à Manchester City, se voit proposer un rôle d’ambassadeur des Citizens en Angleterre et à l’étranger. En parallèle il s’investit également dans la formation et c’est naturellement qu’en 2013-14, il se voit confier les rênes de l’équipe réserve (U21). Puis fin 2015, l’équipe du New York City FC, qui évolue en Major Soccer League aux Etats-Unis depuis moins d’un an, et qui appartient au même consortium émirati que Manchester City, annonce que Vieira sera l’entraineur principal de l’équipe à partir de janvier 2016. C’est donc là la première véritable expérience d’entraineur principal de Patrick Vieira, qui retrouve sous ses ordres d’autres joueurs d’exception, tels que Franck Lampard, David Villa et Andrea Pirlo. L’équipe finira 2ème de la conférence Est en 2016 (sur 10 équipes) et en 2017 (sur 11) mais sera à chaque fois éliminée en demi-finale de la ligue, lourdement la 1ère année (7-0 face aux Toronto FC) et de justesse la seconde (4-3 face à Colombus Crew SC). Pour une équipe créée il y a peu ces résultats semblent donc tout à fait honorables, même si l’équipe possède en David Villa le meilleur buteur du championnat. Patrick Vieira reste à la tête de l’équipe durant deux ans et demi, pour un total de 90 matchs disputés et un bilan de 40 victoires, 22 nuls et 28 défaites. En juin 2018, il décide de quitter le New York City FC pour accepter le poste d’entraineur de l’OGC Nice.

L’aventure niçoise

En signant à Nice, Vieira se voit confier la lourde tâche de succéder à Lucien Favre, qui vient de mener le club azuréen à une historique 3ème place de Ligue 1 lors de la saison 2016/17, une première depuis 1976, même si la deuxième saison du Suisse à la tête de l’équipe sera moins bonne avec une modeste 8ème place. Cependant, le mercato niçois n’est pas à la hauteur de ce que pouvait espérer Vieira, le club se séparant de ses deux atouts offensifs majeurs : Alassane Plea (16 buts en L1) qui rejoint le Borussia Mönchengladbach pour 23 millions d’euros, ainsi que le fantasque attaquant Italien Mario Balotelli (18 buts en L1) qui quitte le club au mercato d’hiver pour rejoindre l’Olympique de Marseille, au sortir de la meilleure saison de sa carrière. Sans oublier le départ de leur maître à jouer, Jean-Michaël Seri, qui rejoint Fulham pour 30 millions d’euros. L’arrivée du seul espoir Myziane Maolida de l’Olympique Lyonnais, pour 10 millions d’euros, ne suffit de loin pas à compenser ces trois départs majeurs, d’autant que le joueur se révèlera être un flop (aucun but inscrit). Le manque de qualité offensive est criant, les meilleurs buteurs de la saison 2018/19 étant le jeune ailier/attaquant Allan Saint-Maximin (21 ans, 6 buts en L1) et le jeune latéral Youcef Attal (21 ans, 6 buts). Dans ces conditions, Patrick Vieira privilégie un jeu défensif en 5-3-2, basé sur une défense solide à trois centraux, emmenée par l’expérimenté défenseur brésilien Dante et le gardien Walter Benitez. Sa défense de fer (2ème de Ligue 1 avec seulement 35 buts encaissés) permet à l’OGC Nice d’accrocher malgré tout une honorable 7ème place de Ligue 1, soit une place de mieux que lors de la deuxième saison de Favre avec une équipe pourtant largement diminuée. Il semblait de toute évidence difficile d’espérer beaucoup mieux avec une attaque en berne (seulement 30 buts inscrits, 18ème attaque de Ligue 1). C’est probablement ce déséquilibre flagrant entre une défense de fer, expérimentée, et une attaque bien trop jeune et inoffensive, qui est à l’origine du jeu « défensif et ennuyeux » qu’a produit l’équipe de Vieira durant la saison 2018/19, mais avait-il réellement un autre choix avec les moyens mis à sa disposition lors de sa première saison? D’autant qu’en coulisses les choses n’ont pas été de tout repos avec l’éclosion d’une crise de gouvernance, les dirigeants Jean-Pierre Rivière et Julien Fournier ayant claqué la porte du fait de désaccords profonds avec les actionnaires majoritaires sino-américains, portant notamment sur les choix « discutables » lors du dernier mercato (vente des meilleurs joueurs et recrues pas à la hauteur). La première année de Vieira sur le banc niçois n’aura donc pas été de tout repos, mais comme le résume bien Jean-Pierre Rivière « Vieira ne se sent pas trahi. On a une relation de confiance. Il est venu parce qu’une relation humaine forte s’est créée. Patrick est un homme qui a des épaules larges. » Et des épaules larges, il en fallait lors de cette première saison !

L’été 2019 marque un tournant dans l’histoire de l’OGC Nice avec le rachat du club par le groupe Ineos, avec à sa tête le milliardaire Anglais Jim Ratcliffe et les retours de Jean-Pierre Rivière et Julien Fournier. Ce rachat, symbole des ambitions nouvelles du club azuréen, doit permettre à l’OGC Nice de viser chaque année le haut de tableau de Ligue 1 et une qualification en Coupe d’Europe. Malgré le nouveau départ d’un attaquant lors du mercato estival, Allan Saint-Maximin étant vendu à Newcastle pour 18 millions d’euros, le manque criant d’éléments offensifs de qualité est cette fois-ci compensé par les arrivées de Kasper Dolberg (20,5 millions d’euros en provenance de l’Ajax Amsterdam), d’Alexis Claude-Maurice (13,5 millions d’euros en provenance du FC Lorient) et d’Adam Ounas (prêté par Naples). En coulisses, des tensions apparaissent rapidement entre Vieira et le duo Rivière-Fournier, même si les 3 hommes décident de mettre leurs différends de côté pour le bien du club. « Les relations avec Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier? C’est vrai, ça a été compliqué. Compliqué de par la manière dont ils sont partis du club. Mais on a parlé. Julien Fournier a dit une chose très vrai: "celui qui veut faire partie du projet doit mettre ses états d’âme de côté." Je fais partie du projet. Aujourd’hui, nos relations sont professionnelles. Elles sont bonnes. On échange. On discute. Le recrutement n’est pas le choix du président, de Julien Fournier, de la cellule ou de moi-même. c’est un choix collectif. C’est très bien ainsi. Les rôles sont bien répartis. »

Patrick Vieira essaie également de tempérer les ardeurs des nouveaux dirigeants, qui affichent des ambitions extrêmement élevées dès cette saison : « L’arrivée d’INEOS est une bonne chose sur le long terme. Mais sur le court terme, attention. Les gens attendent de nous qu’on finisse très très haut. Mais il faut nous laisser du temps. Les nouveaux joueurs doivent s’adapter. Il ne faut pas s’enflammer. Les supporters doivent être patients. Le discours du président Rivière, de Julien Fournier et de moi-même doit être cohérent. Attention à la communication. Rien ne se fait en quelques jours. Je suis très content de l’effectif. Mais pour finir plus haut, il nous faudrait peut-être encore un ou deux joueurs. »

Lors de cette saison tronquée par l’épidémie mondiale de Covid-19, la défense niçoise, qui avait pourtant fait la force du club lors de la saison prédécèdent se montre beaucoup plus friable (38 buts encaissés en 28 matchs, 15ème défense de L1), tandis que l’attaque se montre nettement plus prolifique (41 buts inscrits en 28 matchs, 5ème de L1), grâce notamment au jeune attaquant Danois Kasper Dolberg (11 buts, 8ème meilleur attaquant de Ligue 1). La « faute » en partie à un Dante bien moins impérial et à un Malang Sarr repositionné par défaut au poste de latéral gauche, ainsi qu’à un recours plus fréquent au 4-3-3, Patrick Vieira ayant tenté lors de cette 2ème saison de privilégier un jeu moins défensif et davantage porté sur la possession et l’offensive. Vieira et les Niçois pointent tout de même à une belle 5ème place de Ligue 1, qualificative pour la Ligue Europa, au moment de l’arrêt du championnat, en ligne avec les ambitions d’Ineos.

Le mercato de l’été 2020 est intelligent et équlibré, avec les renforts offensifs d’Amine Gouiri (7 millions d’euros en provenance de l’Olympique Lyonnais), Jeff Reine-Adelaïde (prêté par l’OL) et Rony Lopes (prêté par le FC Séville), mais surtout avec d’importants renforts défensifs, tels que William Saliba (prêté par Arsenal), Jean-Clair Todibo (prêté par Barcelone), Jordan Lotomba (7 millions d’euros en provenance des Young Boys de Berne) et Robson Bambu (8 millions d’euros en provenance de l’Athletico Paranaense). Patrick Vieira va donc devoir composer avec une équipe et surtout une défense largement remaniée en ce début de saison 2020/21. Malgré un bon début de saison, les Niçois pointant à la 4ème place de Ligue 1 après 9 journées début novembre 2020, à deux points de la 2ème place, un enchainement de 5 défaites consécutives toutes compétitions confondues (2 en championnat, 3 en Europa League) va être fatale à Patrick Vieira. Il est démis de ses fonctions le 4 décembre 2020, après 2 ans et demi et 89 matchs à la tête des Aiglons pour un bilan de 35 victoires, 21 matchs nuls et 33 défaites.

Côté tactique, Vieira a su se montrer flexible, s’adaptant à l’effectif à sa disposition, notamment la première saison avec un effectif particulièrement déséquilibré, et a su imposer au fur et à mesure un style de jeu plus clair, avec une disposition en 4-3-3 basée sur la possession et un pressing haut.

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Le retour en Premier League

Il ne faudra attendre que sept mois, en juillet 2021, pour que Patrick Vieira retrouve un poste d’entraineur principal. Ce sera en Premier League, à Crystal Palace, où il succède au légendaire Roy Hodgson, qui prend sa retraite (provisoirement). Crystal Palace possède le 18ème budget de Premier League et un effectif modeste. Malgré tout, en quatre saisons sous Hodgson, Palace finit systématiquement entre la 11ème et la 14ème place de Premier League, ce qui est honorable.

Les départs au mercato des défenseurs « vieillissants » Gary Cahill, Patrick van Aanholt et Mamadou Sakho, remplacés par les « jeunes » Marc Guéhi (23 millions d’euros de Chelsea) et Joachim Andersen (17,5 millions de l’Olympique Lyonnais) doivent permettre à Patrick Vieira de mettre en place son système de pressing haut, plutôt que le bloc bas qui était de tradition sous Hodgson. Vieira a aussi la lourde tâche d’améliorer à la fois la qualité de la défense, une des plus mauvaise de Premier League (66 buts encaissés lors de la saison précédente, le pire résultat depuis le retour de l’équipe en Premier League en 2013/14) et de l’attaque (seulement 72 buts inscrits lors des 76 derniers matchs). Sacré défi donc et pourtant Vieira va le relever haut la main puisque l’équipe n’encaissera que 46 buts en 2021/22 (soit 20 de moins que la saison précédente !) et en inscrira 50, passant d’une moyenne de 0.94 à 1.32 but marqué par match, synonyme d’une flatteuse 12ème place en Premier League. En parallèle, Patrick Vieira mène également l’équipe aux demi-finales de la FA Cup (défaite face à Chelsea), Crystal Palace n’ayant pas atteint ce stade de la compétition depuis la saison 2015/16 (finale perdue face à Manchester United). Une saison pleine donc de la part de Palace et de Patrick Vieira. Pour cela, Vieira explique avoir pris le temps de parler aux joueurs un par un, pour apprendre à les connaitre et leur expliquer la manière dont il compte construire l’équipe et la voir évoluer. A la manière d’un Tel Lasso, il cherche à exploiter le plein potentiel de chaque joueur et de mettre leur talent individuel au profit du collectif.

Malheureusement sa deuxième saison à la tête de Crystal Palace sera moins prolifique. Bien que le début de saison soit réussi, avec un bilan équilibré de 5 victoires, 5 nuls, 5 défaites au soir de la 15ème journée et une belle 10ème place au classement début novembre, l’équipe dirigée par Vieira va connaitre une série catastrophique de 12 matchs sans victoire début 2023 (bilan de 6V, 9N, 12D et une 12ème place provisoire), conduisant au licenciement du Français en mars 2023 et un retour de Hodgson sur le banc. Hodgson parviendra à relancer la machine en fin de saison, avec un beau bilan de 5V, 3N, 3D sur les 11 derniers matchs et une 11ème place finale au classement. Le bilan global de Patrick Vieira sur le banc de Crystal Palace, après quasiment 2 saisons et 74 matchs disputés, est de 22 victoires, 24 nuls et 28 défaites.

Le bilan

Le Patrick Vieira entraineur a une durée de vie moyenne de 84 matchs sur le banc, soit un peu plus de 2 saisons, mais surtout 2 fois plus que la moyenne (40,6 matchs selon le CIES), ça tombe bien il a un contrat de trois ans avec le Racing.

Les ventes de club, les remous en interne, Patrick Vieira en a vu d’autres à Nice avec le duo Rivière-Fournier. Alors avec un management posé et réfléchi à la Marc Keller, il devrait se sentir comme dans un bain moussant à 37°C le Patrick !

Il reste qu’en prenant tous les paramètres en compte, en évitant les « on dit » et les jugements à l’emporte-pièce (« il s’est fait virer deux fois donc il est nul »), Patrick Vieira est très loin d’avoir démérité lors de ses précédentes expériences d’entraineur, bien au contraire. Il n’y a pas de doute quant au fait qu’un club comme le Racing ne peut que profiter de son immense expérience de joueur et capitaine et de son expérience déjà riche d’entraineur. Sans parler du potentiel d’attrait bien plus élevé auprès des jeunes joueurs français et étrangers que ne l’auraient été, avec tout le respect qui leur est dû, Frédéric Antonetti ou Philippe Montanier.

Cependant, il n’est pas dans les habitudes de Vieira de faire table rase du passé. Au contraire, comme dans ses clubs précédents, Vieira affirme avant tout vouloir s’appuyer sur ce qui a été construit par le coach précédent, en y apportant petit à petit sa touche personnelle et sa vision du jeu. Nul doute que son expérience engrangée auprès des équipes de jeunes de Manchester City va aussi lui permettre de poursuivre le développement des deux pépites strasbourgeoises, Ismaël Doukouré et Habib Diarra, et d’intégrer progressivement de nouveaux jeunes prometteurs à l’effectif professionnel, comme il a su le faire à Crystal Palace.

On ne peut qu’avoir hâte de découvrir comment la patte de Patrick Vieira va modeler l’équipe du Racing version BlueCo, en espérant qu’il puisse bénéficier du temps, des moyens financiers et sportifs et d’une stabilité en interne suffisants pour faire ses preuves, au contraire donc de ce qu’il a connu à Nice. Les 2 parties ont tout à y gagner, le Racing pour continuer de grandir et Patrick Vieira pour réellement prouver sa valeur sur la durée.

mouloungoal

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