Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

Décès de François Bracci

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Souvenir/anecdote
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Par kitl
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François Bracci RC STRASBOURG 1979.jpg

Avec François Bracci disparaît le souvenir d'un Racing capable de compléter son effectif tout juste sacré champion de France par quatre internationaux confirmés.

Incontestablement associé à l'Olympique de Marseille, dont il a connu l'époque glorieuse du début des années 1970 sous le président Marcel Leclerc, mais également l'épopée des "minots", François Bracci compte également deux mentions alsaciennes, et non des moindres.

Nanti d'un patronyme pour le moins méditerranéen, il voit pourtant le jour en 1951 dans la bonne commune rhénane de Beinheim, non loin de Seltz. L'étrangeté de cette configuration tient dans l'explication donnée par Vincent Duluc : le père de Bracci était un douanier corse qui gardait le pont entre Beinheim et Iffezheim !

Il était quelque peu incongru de voir cet international français natif du même patelin que mes arrières-grands-parents, côté Schneider. La lumière est donc faite sur cette bizarrerie, il est inutile d'inventer une affectation du paternel au sein des Forces Françaises en Allemagne dans l'après-guerre. A noter que Wikipédia donne pour lieu de naissance le village corse de Calcatoggio...

Seconde étape alsacienne sur le curriculum vitae de François Bracci, une saison 1979/1980 sous les couleurs du RC Strasbourg, tout frais champion de France et à ce titre engagé en Coupe d'Europe des Clubs champions. Une saison que l'on imagine relativement frustrante pour un gaillard habitué à enchaîner les rencontres, au cours de laquelle il oscilla entre le banc de touche, la tribune et quelques fois, le rectangle vert (15 titularisations simplement en championnat).

Avec Jean-François Jodar, autre défenseur polyvalent, et surtout les deux joueurs "étrangers' arrivés à l'été 1979, François Bracci a incarné la délicate digestion du titre de champion de France décroché par Strasbourg.
Evidemment l'attention médiatique a été monopolisée par les cas Decastel et Bianchi, le premier ciblé par le public et rapidement affublé du surnom de "chouchou de Gress", tandis que le second faisait l'objet d'un traitement radicalement opposé.

Au-delà des vicissitudes réservées au milieu suisse et au goleador argentin, il y avait quelque chose de saugrenu de voir un défenseur international aux 16 sélections réduit à jouer les utilités par la faute d'un effectif devenu soudainement assez bancal. En effet, les deux latéraux Jean-Jacques Marx et Raymond Domenech n'ont pas souffert la moindre baisse de régime tout au long de la saison. Joueur le plus expérimenté de l'équipe, et ancien partenaire de Bracci (et de Gress) à l'OM, Jacky Novi ne laisse que des miettes à ses concurrents. L'abondance de biens amène même le technicien alsacien à aligner Léonard Specht au milieu de terrain...

Jodar et Bracci ont convaincu Gilbert Gress de les incorporer à son effectif de par leur polyvalence ("Ils sont capables de jouer à tous les postes de la défense, du 2 au 6"). Ils durent rapidement admettre que ce profil appréciable allait faire d'eux de parfaits remplaçants, à l'époque des feuilles de match à treize joueurs.

De prime abord alléchant, le recrutement de l'été 1979 allait se heurter, comme d'ailleurs l'intégralité du club, aux premières manifestations du conflit Bord-Gress. L'entraîneur-vedette avait-il pleinement la main sur ce recrutement ou ses choix ont-ils été contraints ? On l'a dit, les cas Decastel et surtout Bianchi ont davantage focalisé l'attention que celui de François Bracci.
La presse avait suffisamment de grain à moudre pour ne pas s'attarder sur le cas de l'arrière gauche, membre de l'Equipe de France à la Coupe du monde 1978, riche d'une petite expérience européenne qui conduisit Gilbert Gress à l'aligner principalement en Coupe des Champions (il disputa les six matchs de la campagne). Souvenir marquant de cette saison de frustration, cet épisode maintes fois narré par les témoins de l'époque : à 0-0 face à l'Ajax (le grand Ajax, ou considéré comme tel, parce que Rudi Krol était l'unique survivant des triomphes passés), une frappe de Bracci heurta la barre transversale, au cours du quart de finale aller au stade de la Meinau.

Fait d'armes marquant, ô combien symbolique du basculement assez brutal pour un public vivant dans l'euphorie du triomphe de 1979. La Coupe d'Europe entretenait le souvenir du titre, l'exotisme de Kristiansand, la symbolique du duel avec le Dukla Prague et la moitié de la sélection tchécoslovaque... c'est comme si quelque chose était cassé suite à la déroute du stade olympique d'Amsterdam, ce 0-4 tendait un miroir au Racing plus fragile qu'il n'en avait l'air : Gemmrich parti, Jouve blessé et déclassé, Novi âgé, Decastel contesté, Carlos mal intégré, Wagner fracassé par un cow-boy au cours d'un match "amical", les jeunes Greiner, Gentes et consorts qui n'allaient plus forcément tout casser en D1...
Le sportif allait moins facilement contribuer à masquer les crispations internes entre le staff et les dirigeants, ou plus directement entre Gilbert Gress, puisqu'il constituait le staff technique à lui seul, et André Bord, lequel n'entendait laisser personne d'autre que lui diriger le club.

Empêtré bien malgré lui dans ce qui allait devenir "l'affaire Racing", François Bracci allait tenter de reprendre le fil de sa carrière chez un autre ambitieux, les Girondins de Bordeaux. Avec sa moustache tombante de Gaulois et son bégaiement, l'expert-comptable Claude Bez entend faire de cette belle endormie une place forte du football français. Pour ce faire, il offre un pont d'or aux meilleurs joueurs français du moment. Après la triplette Soler-Lacombe-Gemmrich à l'été 1979, Bez considère que la défense doit à son tour monter en gamme. Ni une ni deux, il met le grappin sur Marius Trésor, qui vient de subir l'infamante relégation de l'OM (Bracci y aura échappé durant son séjour alsacien), sur l'aboyeur René Girard, amené à devenir le protecteur d'Alain Giresse au milieu de terrain, et donc sur François Bracci, dont la cote restait élevée. Claude Bez s'est fait une spécialité de relancer des éléments en déshérence, tel Bernard Lacombe borduré à St-Etienne où les soucis financiers de l'OL l'avait envoyé. Pour diriger tout cela, un jeune entraîneur au parcours lyonnais pour le moins up&down, Aimé Jacquet.

Bracci retrouve ses standards statistiques : 38, 37 puis 37 matchs de championnat en trois saisons achevées parmi les places européennes. Il retrouve également l'équipe de France, appelé pour une derrière batterie de tests par Hidalgo, au moment où l'Alsace apprenait avec stupéfaction la disgrâce de ses poulains Dropsy et Specht, en vue de la Coupe du monde en Espagne.
Il entre en jeu à Lansdowne Road lors de la défaite 2-3 plaçant les Bleus dans un quitte ou double avant d'accueillir les Pays-Bas ("Oui, Michel ! Oui, Michel"). Il demeure une option, comme en témoigne sa participation au dernier match amical avant la communication de la liste, un triste 0-0 à Gerland face à la Bulgarie. A l'instar de ses partenaires d'un soir, les gamins Stopyra et Bravo, Bracci n'est toutefois pas du voyage en Espagne.

Après une dernière saison en Gironde, il est temps pour François Bracci de retourner là où tout avait commencé dix ans plus tôt, déjà dix ans, quand un grand échalas moustachu aux jambes interminables avait épousé non pas Michel Sardou mais une carrière d'arrière gauche à l'ascension assez météorique.

A 19 ans, il signe trois apparitions au sein de l'équipe de cadors amenée à décrocher le doublé Coupe-championnat en 1972 : Carnus, Bosquier, Novi, Magnusson, Skoblar, Bonnel, Gress bien sûr... Avec Albert Emon et Rolland Courbis, il incarne la jeunesse marseillaise de l'époque du président Leclerc, lequel ne tarderait pas à tomber de son piédestal pour avoir trop mélangé affaires, politique et Ohème.

Bracci allait par la suite vivre tous les épisodes de la saga marseillaise, de l'arrivée de Marius Trésor aux multiples come-back de Zatelli sur le banc, jusqu'aux folies brésiliennes du président Méric amenant les champions du monde Jaïrzinho et Paulo César au Vélodrome (quitte à sacrifier Skoblar).

Le bilan sportif est assez maigre, une Coupe de France décrochée en 1976 en compagnie de Trésor, Bereta, Yazalde, du duo pied-noir Buigues-Fernandez ou encore Sarr Boubacar.
A titre individuel, François Bracci fait partie des cadres de l'Equipe de France de Stefan Kovacs. En cette époque souvent caricaturée en expérimentation de savant fou, qui vit passer 35 joueurs en trois ans de mandat, Bracci enchaîne treize titularisations entre 1973 et 1975.

Ne figurant pas dans les petits papiers de Michel Hidalgo à son arrivée, il effectue cependant son retour juste avant le Mundial 78 en Argentine. Son statut de remplaçant lui vaudra de participer au mythique match face à la Hongrie vêtu d'un maillot taille enfant, celui du CA Kimberley de Mar del Plata.

Après l'OM des seventies, en passant par une saison mitigée dans son département de naissance et la pose de fondations à Bordeaux, François Bracci revient boucler la boucle dans son club de coeur, englué depuis 1980 en deuxième division. C'est la fameuse épopée des "minots", ces gamins marseillais déterminés à replacer l'Ohème à sa place et qui finiront par y parvenir à la quatrième tentative.
Dans le rôle des Américains, puisque les minots n'ont pas libéré l'OM tout seuls, de vieux grognards venus apporter expérience et talent en 1983/1984 : François Bracci reconverti libero, Sarr Boubacar toujours aussi efficace, l'ex-doublure nancéienne de Platini à Nancy, Paco Rubio et le gaucher yougoslave Zarko Olarevic.

De retour dans l'élite, l'incorrigible club phocéen retombe dans ses travers et change la moitié de l'équipe, puis d'entraîneur. Bracci termine sa carrière en D2 à Rouen puis Béziers. Il se lance dans une carrière d'entraîneur sous les écrans radar, dans les divisions inférieures (à Epernay, la Roche/Yon, Montauban...), puis au Maghreb. Entretemps il accompagne Jean Tigana sur le banc lyonnais entre 1993 et 1995.

International français à 18 reprises, François Bracci est avant tout relié à l'histoire tempétueuse de l'Olympique de Marseille, même si son court séjour au Racing Club de Strasbourg porte lui aussi le sceau d'un certain tumulte.

kitl

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