Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

L'épopée Furlan (2/2) : Le bilan extra-sportif

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Par zottel
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Happy days...

Vous l'avez aimé, vous l'avez adoré. Il a partagé votre vie pendant deux ans. Il ne vous reste plus que le Stub pour pleurer.

1) Les déclarations - Souvent femme varie, Bien fol est qui s'y fie! Une femme souvent N'est qu'une plume au vent



Avec les discours de Jean-Marc Furlan, on ne s'est jamais ennuyé. Ça non alors. L'ex-stoppeur rugueux plane haut au-dessus de la mêlée des dockers intelligents. La marque Furlan, c'est d'abord de l'épate: "Ca dépend comment on conçoit sa vie", "Avec Gérard Houiller à la DTN, je me bats contre des moulins à vent", "Dans le football moderne,...". Sans oublier les incontournables des Nostradamus de bistrot, "C'est un phénomène de société", "Je le dis
toujours"
, "Ca n'est pas une surprise".

En plus d'être diablement intellos, ces deux ans passés avec lui auront aussi été une féérie de discours tous plus émouvants et contradictoires les uns que les autres.


Sur l'histoire du Racing


Le Racing est un club mythique, mais sporadiquement : "Entraîner un club mythique comme le Racing est très intéressant."; "Le Racing est une institution emblématique en Alsace qui a déjà connu de grands succès, de manière sporadique"; "Je me souviens du titre de 1979... ça a eu un sacré retentissement dans la région".

Donc mythique mais auprès des bouseux de la région seulement, vous suivez ? Et encore, n'exagérons rien: il est possible que dans certaines vallées des Vosges, l'information ne soit même pas encore parvenue.


Sur l'Alsace et les Alsaciens


Là dessus globalement, c'est un sans-faute, soyons honnêtes: "Vivre en Alsace, au milieu des Alsaciens, est un régal pour moi. J'ai aussi été formidablement accueilli par le staff du centre de formation et le staff médical."; "Je me plais beaucoup en Alsace".

Et c'est bien normal. Et pourtant; "C'est la première fois de ma carrière que je reçois des lettres anonymes après les défaites (...) J'étais surpris après la première, mais je n'y prête plus d'importance" Pour le coup, si c'est vrai, félicitons le Girondin de son recul et encore bravo aux demeurés qui auraient écrit ces lettres.

Mais fatalement, Jean-Marc a du mal à cerner la spécificité alsacienne: "Le Racing, c'est compliqué. Les gens se font une mauvaise idée du club"; "En Alsace, on ressent autour du RCS un peu trop d'espoirs et d'impatience"; "Au Racing, on vit le football dans la douleur".

C'est horrible ? Non, rien d'alarmant en fait: "A Strasbourg, il y a un potentiel formidable, notamment au niveau du public"; "Pour moi, le foot, c'est l'esprit de fête (...) Je pense qu'on peut venir au stade pour autre chose (que siffler). Mais ce n'est pas propre à Strasbourg. C'est un phénomène de société"; "Le public est un peu partout pareil".


Sur l'environnement du club


Si l'on ne sait pas si il s'agit d'un trait alsacien, ou d'un phénomène général, la fameuse pression demeure. Ah ! Qu'il est difficile d'être manager général: "Quand on est entraîneur, on est soumis à beaucoup de pression."; "'Soyez patients' implore Jean-Marc Furlan. Et d'appeler à la mobilisation générale, demain contre Lille, pour que la Meinau 'nous soutienne quoi qu'il arrive.'"

Pour se défendre de cet ennemi invisible, on rêve parfois à l'exemple du champion bordelais (la réciproque n'est pas assurée): "Ce qui est intéressant dans ce club (Bordeaux), c'est qu'il est totalement hermétique à l'environnement. Plus c'est agité et plus il se referme sur lui-même pour se concentrer sur le projet". En voilà une idée qu'elle est bonne! C'est comme si c'était fait, il suffit de la souffler au manager général.

Ceci dit, d'autres jours, tout cela n'affecte plus tant le Dalaï Jean-Marc: "On ne peut pas faire son discours en fonction de l'environnement"; "On sait à quoi s'attendre (concernant le public) en fonction des clubs."


Sur les tares du Racing


Bon en fait, on s'en doutait un peu, mais le vrai problème c'est le Racing. Mais alors, vraiment de A à Z. Nous avons parlé du public, le reste est un désastre aussi, infrastructures, environnement et même l'équipe (mais que fait le manager général ?):
"Les gens se font une mauvaise idée du club. Il a pris un retard incommensurable sur les autres, ce qui nous met en danger chaque semaine. Si le centre de formation fonctionne bien, à tous les autres niveaux (structurel, financier, sportif, marketing), on est très, très en retard. Je n'ouvre pas le parapluie. C'est la réalité. Si on n'est pas d'accord avec ce discours, je me retire. Inutile de se fâcher."

L"équipe maintenant:
"L'entourage ne perçoit pas bien la réalité du groupe."
"l'entraîneur général insiste sur 'le grand écart entre la passion autour du club et la potentialité de l'équipe.'"
"(ses amis lui disent) Mais tu es fou ! Normalement tu vas dans un endroit où il y a une bonne équipe, point final. Pour moi, non."

Donc, l'équipe est nulle ? On aurait compris cette fois? Que nenni, pas si vite !
"Ne comptez pas sur moi pour taper sur les joueurs. La notion "d'entraîneur-militaire" me fait vomir"
"Je considère l'équipe comme une famille, ajoute-t-il. Tu protèges tes enfants des menaces extérieures."
"Je suis persuadé que l'on va se maintenir, parce que cette équipe le mérite"
"Je serais vraiment inquiet si les joueurs ne répondaient plus. Ça m'était arrivé à Troyes, et j'étais prêt à jeter l'éponge. Mais les gars m'ont dit : 'On est au fond du trou, coach, ça ne vient pas de vous' - Ici, je n'ai pas ce sentiment"


Sur les jeunes


Peut-être que l'équipe est nulle dans le détail? Parlons jeunes:
"Il y a au club 7 ou 8 jeunes de très grande qualité.". Le lendemain, "L'an prochain, il faudra miser sur les jeunes. Je vois pas comment on peut faire autrement. J'en ai recensé neuf qui ont la classe de la Ligue 1".
Rien que ça... en tout cas, passer de 7-8 à 9 en 24h , ça pousse vite. Bien sûr, ces appréciations favorables ont été largement contredites: "Ce qui m'inquiète un peu: la jeunesse de l'effectif. Il y a deux ans, Strasbourg est monté avec un groupe très mature. Je compte profiter des matches amicaux pour voir s'il y a des retouches à apporter".


Y a-t-il une "ligne Furlan" ?


On dit souvent que le footballeur fonctionne avec quelques centaines de mots de vocabulaire, certains d'origine incertaine ("manquer de réalisme" équivaut à "tirer à côté" en français ordinaire). Peu de mots, ce qui limite les possibilités combinatoires et donc la pensée raisonnante, on ne le dira jamais assez aux fans de SMS. Illustration de la misère cérébrale du footballeur moyen, voici le tableau Wordle qui synthétise les discours tenus par JMF durant ces deux années :

https://racingstub.com/blogs/z/zottel/photos/001/sans-titre-99e2e...

Et pourtant, Jean-Marc est un admirable bavard. Dans ce collage de citations (non dénué de mauvaise foi de notre part, il est vrai), il ressort qu'il tenait un discours euphémique sur les échecs, et erratique sur l'origine des difficultés rencontrées. Mais pas de nuances sur leur ampleur...

Il ne manquait jamais, en effet, de revenir sur les énormes obstacles dressés sur la route du Racing. Tout cela, en maintenant l'illusion d'un optimisme parfois complètement décalé avec les résultats (comme le désormais fameux "ça va le faire" de Grégory Paisley), sorte de courage surjoué dans l'océan de difficulté complaisamment décrit. C'était peut-être sa conception de la psychologie, un de ses dadas. Moyennant quoi, on a parfois jasé sur le Stub sur la faible teneur en testostérone des gènes de Jean-Marc.

A la grande surprise d'autres stubistes, pour lesquels le fameux discours n'était en fait que propos insignifiants destinés surtout aux journalistes. Furlan accréditait lui aussi la réputation d'une personne double: d'une part, celle du public, lucide, mélancolique, et portée sur la psychologie des masses ("je considère l'équipe comme une famille (...) tu protèges tes enfants des menaces extérieure"), et celle qui sévissait en interne, sans doute beaucoup plus exigeante et rigoureuse.

Convaincant, docteur Furlan et mister Jean-Marc? En tout cas, de tous ces bavardages, ce qui ressort est moins la ligne claire d'un manager qui hiérarchise les problèmes que des efforts constants pour se dégager de toute responsabilité personnelle. On le vit de façon éclatante, à la veille du désastre de Montpellier: en substance, Furlan déclara que la défaite à venir ne pouvait pas suffire à le juger, et qu'un point ne signifiait pas grand chose. Par conséquent, la défaite ne serait finalement que de la faute des autres et de la fatalité... Sacrée consolation. On songe au mot de Fontenelle sur son lit de mort: "En somme, docteur, je meurs guéri !". Et le Racing, docteur Furlan, il coule compétent ?


2) L'avis des témoins - C'est la continuité des lignes qui est belle


On l'a dit, les avis sur Furlan ont été partagés, tout au long de son règne. Ca commençait plutôt bien: à son arrivée, son verbe clinquant séduisit le Stub avec son étiage de Bac+5/Prix Nobels. On ne sera pas cruel en citant tout et tout le monde, mais on put lire par exemple:
Citation:
Honnêtement, le discours et l'approche du jeu de cet homme me convient et j'ajouterais même, me séduit. Maintenant il faut voir dans les actes, mais le sentiment premier est favorable.

Citation:
J'adore sa manière de s'exprimer!

C'en était même trop, ça sentait l'enflure, Jean-Marc:
Citation:
J'ai adoré son discours !!, "Le Racing est un club mythique", "Je connais toute l'histoire", "tout le monde me disait n'y vas pas et ca m'a donné envie d'y venir", "L'Alsace est une si belle région", c'est un FOU ce mec !!!! Bon, il a un peu abusé mais il a bien compris qu'il valait mieux caresser les supporters dans le sens du poil.

Évidemment, la légitimité vient des résultats, comme certains le disaient déjà dés le début, il y a deux ans:
Citation:
Si l'équipe marche aussi bien que son discours, moi ca me plaît.

Et des résultats, il n'y en eut guère. Pour certains, ce fut rédhibitoire, comme en témoigne cette citation d'août 2008:
Citation:
Visiblement le charisme pipoteur de Purflan marche bien... C'est fou... Ce type nous fout en L2, il transfère la faute sur Johansen et Abdessadki, nous gratine de 11 défaites de suite et se permet de dire que lui "il sait comment bâtir un grand club "... C'est à hurler... C'est vrai que toute sa carrière parle pour lui, à Troyes ils se sont stabilisés en ligue des champions pour au moins 8 ans...

Mais pourtant jusqu'au bout, la verve furlanesque entretint l'espoir, y compris parfois celui de l'auteur et d'autres tout aussi considérables. Citation choisie de mai 2009:
Citation:
Marrant, dès qu'un entraineur a plus de quatre mots (qui ne sont pas tripes, couilles, boucherie et sueur) dans son vocabulaire, il passe pour un tocard. Entraîner et gérer une équipe de foot c'est un peu plus compliqué que de placer onze types sur un terrain et de les motiver. Et réussir ce qu'est en train de réussir Furlan n'est pas évident !


On comprend donc les errements de radiostub, tantôt prête à guillotiner, "parce que Furlan au Racing, ça ne marche pas", tantôt enragée de stabilité comme Brassens auprès de son arbre.

De la même façon, le supporter meinauvien fut étonnamment clément avec l'entraîneur et son bilan abominable. Si sa tête fut réclamée après les matchs contre Brest, ou Sedan, la Meinau n'a jamais pris feu. Il faut dire que Furlan n'hésita pas non plus à se cacher derrière son équipe: "Ca devient difficile de jouer à domicile. Ce n'est plus un atout. Et c'est quelque chose en plus à gérer pour le staff en cette fin de saison. Entendre l'équipe se faire siffler chez elle, est incroyable. Aujourd'hui, il faut vraiment que tout le monde soit derrière l'équipe". Discours qui sera aussi largement relayé par les joueurs eux-mêmes.


3) Des coups de foudre - Je suis aimé de la plus belle, Encontre tous faux envieux, Je la soutiendrai être telle



Grégory forever


Jean-Marc Furlan put en effet compter, durant ces deux ans, sur des relais inconditionnels au sein de l'équipe; relais pour lesquels il avait en retour une dévotion assez singulière. Car certes, il est courant d'entendre un technicien affirmer évasivement "Oui, bien sûr, Dugenou est un bon joueur". Mais il est plus rare d'entendre des phrases comme: "Grégory Paisley (...) est un des cinq meilleurs défenseurs de L1". Ou encore "il y aura également un départ en défense - mais ça ne sera pas Paisley, sinon on est mort". Telles furent pourtant les relations quasi-incestueuses de Jean-Marc Furlan et de "Greg".

Objectivement, ce n'est pas forcément le meilleur choix: parmi les joueurs attachants, on songe plus volontiers à Lacour ou Cassard. Mais Jean-Marc ne fut en l'occurrence pas objectif, quitte parfois à choisir les statistiques qui l'arrangeaient pour présenter son chouchou: "Quand (Paisley) joue, on marque aussi plus de buts, c'est un fait" (mai 2009). Plus de buts marqués ? Peut-être, mais c'était aussi un joueur avec lequel l'équipe tournait à 1,3 points/match quand il était titulaire en 2008-2009, soit la pire moyenne de toutes. Impressionnant, soit dit en passant, sur la capacité de Paisley à bonifier cette équipe, lui qui est resté le capitaine de Furlan durant une saison et demie. En fait, à aucun moment, Greg n'a semblé être un cadre capable de transcender ses coéquipiers - d'ailleurs, Furlan le reconnut en creux quand il mit la timidité du Racing, fin 2009, sur le compte de l'absence d'autres joueurs que Paisley, à savoir Shereni, Gargorov et Pelé.

Pourtant, le bibelot Greg bénéficiait en tout d'une patience infinie de son coach. On peut probablement mettre sur le compte d'une rivalité par trop fatigante pour lui (et indigne de son génie ?) le refus de Furlan de recruter un défenseur central en hiver 2008. Ainsi que le prêt de Weber, d'ailleurs, alors que Paisley affirmait en arrivant vouloir faire bénéficier les jeunes d'"un certain vécu en L1". Au détour d'autres interviews, on apprit aussi qu'il fut replacé dans l'axe à Troyes (pour le plus grand prestige de la L1 donc, si vous avez suivi) parce qu'il avait décidé qu'il "s'ennuyait" désormais à gauche, à son poste de formation. Plus tard, on apprit encore que Furlan l'avait pour quelques matchs "convaincu (...) de pallier l'absence de Jean-Alain Fanchone". Vraiment ? Convaincu qu'il se mette au service de l'équipe ? Diantre, mais par quel sortilège ?

Car on l'aura deviné, l'importance invraisemblable accordée à sa personne fut un ferment efficace pour la vanité du beau Grégory. Au cours d'une interview restée célèbre, à l'hiver 2008, il en vint ainsi à déplorer l'ignorance et l'impatience du public, martyrisé par la mauvaise passe du Racing. Dans sa lancée, il expliqua aussi avec une fatuité incroyable que "la L2 et Paisley sont peut-être incompatibles" pour expliquer son faible rendement personnel (cela était dit sur le ton de la plaisanterie, mais tout de même). L'interview lui valut une mise à l'écart temporaire, sans doute décidée en haut lieu indépendamment de Furlan - mise à l'écart qui coïncida d'ailleurs, soyons perfides, avec une bonne série du Racing. Il y perdra par contre définitivement son brassard.

Capitaine Paisley rendait bien sûr à Furlan son amitié moite: "C'est d'ailleurs à cause de ça (les joueurs) que nous (Troyes) sommes descendus. Mais pas en raison du projet de jeu préconisé par le coach (Furlan)". Des propos qui ressemblaient étrangement à ceux que tint Furlan au terme de chacune de ses saisons manquées au Racing, et qu'on devine donc échangés sur la terrasse de l'un des deux hommes, devisant devant un coucher de soleil sur les Vosges, un verre de porto à la main, enveloppés dans une chaude mélopée jazzy de Sade Adu.


Ducrocq-en-jambe


Pour entretenir une relation aussi intense, il faut une tierce personne qui tient la chandelle; dans le vaudeville Racing, elle s'appelait Pierre Ducrocq. Arrivé comme remplaçant de la charnière Bellaïd-Paisley, il montra quelques scrupules, touchants, la première fois qu'il fallu prendre la place de son pote Greg blessé à la fesse. Il faut dire qu'ils sont amis depuis leur formation au PSG...

Une amitié basée sur quelques similitudes dans leurs personnalités. On note tout d'abord une certaine nonchalance dans la défaite et une certaine indifférence vis-à-vis du Racing - les réactions après le dernier match à Montpellier sont saisissantes de ressemblance, surtout par contraste avec la rage de Traoré ou les larmes de Cassard. Il y a aussi chez les deux une assez haute idée de leur valeur. Ils tentent par exemple de fuir le Racing au mercato d'été 2008, convaincus peut-être de se placer sans mal, mais sans succès. Pas rancunier, le Racing relance Pierrot; il faut dire que, pour Furlan, "(il) fait partie des joueurs majeurs dans le groupe, en termes d'état d'esprit et de caractère. Depuis son refus, la situation a évolué. J'ai espoir de le convaincre de continuer avec nous". Une vision toute furlanesque...

Sur le terrain en tout cas, la réalité est moins brillante. Au classement des points/match, il vaut à peine mieux que son camarade Paisley, et personne n'a oublié ses performances médiocres en milieu défensif ou latéral droit.


Alvaro Ier


Si il fallait retenir un dernier joueur exagérément encensé par Furlan, c'est l'avant-centre brésilien Alvaro Marcio Santos. Un joueur qui avait, lui aussi, les faveurs de Grégory Paisley (le monde est si petit) avant d'arriver au Racing. Écoutons-le en parler: "C'est un mètre cube. Il a des cuisses, c'est hallucinant ! Pour lui prendre le ballon, il faut se lever de bonne heure. Physiquement, c'est un monstre". En clair: Alvaro est GROS, une forme de saudade a priori assez encombrante dans la pratique du football de haut niveau (88 kg pour 1,81 m). Et lent avec ça, le bougre: prêté par Sochaux en août 2007, il attendit le mois de décembre pour marquer ses deux premiers buts face à Rennes. Des buts d'ailleurs tout faits, dirent les méchants.

Pendant des mois pourtant, Furlan avait défendu son volumineux point d'appui contre vents et marées, reportant la faute sur le reste de l'équipe: "J'ai dit aux gars qu'ils disposaient en Alvaro d'un point d'appui et qu'ils ne l'utilisaient pas suffisamment". Dans ce contexte, le doublé contre Rennes fut en interne le début d'un culte délirant voué au Bouddha brésilien, sans aucun rapport avec son niveau réel et la situation de plus en plus désastreuse du Racing. Culte en partie encouragé par la vanité de l'intéressé.

Ainsi, l'Empereur Alvaro Ier devint bientôt un indispensable "capitaine de vestiaire", à le croire "naturellement capitaine" depuis son jeune âge, doté d'une expérience impressionnante dont il entendait bien faire profiter. Son entente sur le terrain avec Mulenga était "naturelle (décidément) ça ne s'explique pas" (de fait, on n'y a vu que du feu). Pour Furlan "Alvaro est un professionnel de très haut niveau, dès qu'il entre sur le terrain, il est prêt et son ratio nombre de buts/temps de jeu est exceptionnel" (N.B., à ce moment là, Alvaro était à 1 but/219 min, contre 1 but/187 min pour un Renteria pourtant plus occupé à roter ses mojitos de la veille). Paisley lui-même apporta sa caution, c'est tout dire: "C'est bien de l'avoir avec nous car au niveau de l'ambiance comme sur le terrain, il est indispensable".

Quand on découvrit que son poids l'handicapait moins quand il rentrait en cours de match, il devint le "Super-Sub" (super remplaçant) local: "quand j'entre en jeu, j'essaie d'être intelligent" (un moment intéressant pour essayer, convenons-en) ; même si cette réputation ne lui semblait pas exactement en rapport avec son statut: "quand j'ai été titularisé, j'ai toujours été satisfait de mes prestations hormis une fois, à Caen" ("très satisfait", peut-être ?).

Au fait, combien de buts a marqué cet ombrageux géant, cette "pépite d'or" comme le désignait Furlan en fin de saison ? Cinq (dont un pénalty), en 28 matchs. Royal. Comme il le déclara lui-même, "Il faut que les gens comprennent que je ne suis pas là pour marquer uniquement". On s'en était bien aperçu. Mais pour quoi d'autre déjà, monsieur l'avant-centre (*)?

(* certes, "point d'appui", jeu sans ballon, etc... mais bon... Wasooon!!)



4) Des conflits - Et danse devant, Une belle enfant, Méchante, Dont les yeux pervers, Comme les yeux verts, Des chattes...



Le "groupe élite"


Jean-Marc arrivait tout auréolé d'une réputation d'entraîneur unanimement aimé et regretté. Seul l'accroc avec le Troyen Montero ("(Furlan) ne m'a jamais dit les choses en face, il n'a aucun charisme") faisait tache sur ce beau blason. Cela pouvait bien encore passer, certes, pour l'énième affaire d'un joueur mal élevé. Mais ici, comme à Troyes, la mise à l'écart de Tum, Strasser, Ekobo... présentée comme une séparation en groupes de niveaux, a modérément plu. Même si le groupe réservé aux boulets fut finement baptisé groupe "élite", malgré la présence éloquente de Haikel Gmandia.

Si beaucoup sont partis discrètement, notamment notre ami Jeff, Emil Gargorov refusa d'évoluer avec la CFA. Conséquence: il disparut du groupe, et fut expulsé en Bulgarie au CSKA Sofia avec yaourts et roulotte, pendant que le Racing coulait doucement vers la L2. Une L2, où heureusement, Gargorov revint ensuite pour devenir ce joueur indispensable que l'on connaît, sur et en dehors du terrain, d'après... Jean-Marc Furlan!


Ruque raté


Abou, lui, fut déclaré perdu pour le football professionnel ("Abou est décourageant"), Gmandia aussi. Plus surprenant, alors que Jean-Marc Furlan affirme depuis toujours que "sa marque de fabrique (est) un football spectaculaire", il batailla âprement avec Wason Renteria. Les deux rejouèrent ainsi la vieille comédie de Luis Fernandez et son "fils" Ronaldinho. Que faire d'un joueur surdoué, mais incomparablement fainéant ? On serait tenté de dire, lui jeter un ballon et le laisser faire. Pourtant, le Racing n'en fit grand-chose de son Wason: "On va prendre une décision à plusieurs cerveaux, entre les leaders du groupe, le président et le directeur général. Faut-il le renvoyer à Porto ?" s'interrogea très tôt Jean-Marc Furlan. Si la balance des cerveaux fut défavorable à celui de JMF, il y eut hélas des punitions à répétition et l'intronisation de l'inoffensif Alvaro Santos à la pointe de l'attaque...

Et dire que la Meinau était toute prête à opérer la jonction improbable entre la folie colombienne et cyclothymie alsacienne. Et réciproquement: "Je voudrais que les supporters croient davantage en moi, notamment le site racingstub.com. Je respecte le club et ses supporters. Et je ferai le maximum pour leur montrer en inscrivant des buts. Et en dansant le Ruque Raque". Gott verdammi... Wasooooon !


Comme un avion sans ailes


Pour punir Renteria d'être plus sexy qu'Alvaro Santos, Jean-Marc fit même pire. Pire que la retenue de salaire ou le goulag: l'exil sur l'aile. Un cauchemar qui n'est pas sans évoquer une autre victime sacrifiée sur l'autel du 4-2-3-1 éternel, Kévin Gameiro.

Le petit avant-centre a joué en effet une partie de la saison 2007-2008 à droite, et même à gauche (*). Handicapé par son jeune âge, et une taille qui ne permettent pas de se rebeller contre un coach-ancien stoppeur bordelais, Kévin attendit poliment la fin de la saison (le 19 mai 2008) pour signifier que, désormais, il en avait vraiment plein le cul. Plutôt fair-play quand même, il ajouta quelques mois plus tard, en décembre, que cela lui avait permis "d'élargir sa palette". Il faut dire qu'entretemps, il était devenu le meilleur buteur de Lorient et l'un des jeunes les plus en vue de L1, pendant que le Racing écumait la L2 avec Rudy Carlier...

On pourra se consoler en se disant que le Racing y est pour quelque chose dans l'éclosion d'un grand joueur. Mais enfin, comme disait Djibril Cissé à la veille de la Coupe du Monde 2006, ça nous fait une belle jambe.

(* d'après certains membres de la rédaction, généralement bien informés, il aurait même joué en meneur)


Boucs et mystères


Ce n'était pas tout. Après tout, en 2007-2008, pour JMF, "le groupe a explosé humainement, il s'est désolidarisé de manière inattendue pour les joueurs et pour le staff". Deux joueurs, probablement, étaient un peu moins surpris : comme le rappelait utilement Philippe Ginestet il y a peu, "L'an dernier les boucs émissaires s'appelaient Pascal Johansen et Yacine Abdessadki". Eh oui ! le voilà, le vrai " problème dans la gestion du collectif (...) qui (a) empêché les joueurs de s'exprimer pleinement". Il faut dire qu'en démissionnant avant ce match contre Caen, où ils se firent très clairement porter pâles alors que le Racing pouvait encore se sauver, les compères firent très fort. Après tout, "tous les joueurs avaient signé une charte d'honneur, Pasqui et Yacine compris", et avec Jean-Marc, on ne plaisante pas avec la parole donnée, non mais oh !


Parasciences


....question de principe, d'éducation. Ou autrement dit, car pour parler de moeurs JMF a ses mots à lui; question de génétique. Par exemple, les Girondins de Bordeaux ont quelque chose de défensif "dans (leurs) chromosomes". De même, le Racing de 2007-2008, sous des dehors monotones d'équipe de football, nous cachait quelque chose entre histones et nucléolemme: "la crise était latente, inscrite dans les gènes de l'équipe".

Si. La crise.

C'est comme ça, la génétique, ça le fascine l'ami Jean-Marc. On retrouve d'ailleurs chez lui le tryptique douteux de l'entraîneur "moderne" : parasciences (la magnétologie), psychologie et donc, génétique - on est loin de Chacky et son vieux survet'. C'est pourquoi on sait désormais que la "race des Italiens" a des choses pas catholiques dans ses gènes. Non pas seulement parce que Furlan descend de Vénitiens, mais parce qu'il le hurla à l'endroit de Fabio Grosso, arrière gauche de l'OL, "macaroni de merde" qui n'avait pas fait mentir "ses gènes et sa race". Avant de démentir, bien sûr, tant le scandale fut énorme...


5) La rupture - Il ne faut pas croire exagérément au bonheur



Beau comme un Italien


Souvenons-nous. En février, JMF est plus que jamais menacé. Il faut trancher: il promet alors qu'il peut remonter le Racing en L1, et qu'il renoncerait à ses indemnités dans le cas contraire. Si la nature du pacte n'est d'abord que suggérée par les journalistes, avant d'être confirmée par Ginestet six mois plus tard, il est forgé d'airain: "C'est une parole que nous nous sommes donnée entre hommes. Je la respecterai (...) Nous avons passé un pacte. Le chapitre est clos. Je ne souhaite pas entrer dans les détails" dit Philippe Ginestet. "Cette parole, nous la respecterons tous les deux" confirme Jean-Marc Furlan de son côté. Bigre, mais c'est beau comme l'antique !

Étonnant, quand on sait que le même Furlan n'était pas du tout prêt à ce genre de noblesse l'année d'avant, alors que la série historique des 11 défaites battait son plein: "Si la solution est de dégager Furlan, eh bien qu'on dégage Furlan. Mais ne comptez pas sur moi pour renoncer. Je m'accrocherai comme un fou". Ou encore, "on fustige souvent les entraîneurs et les joueurs parce qu'ils ne respectent pas leurs contrats. Mais les clubs doivent eux aussi les honorer. C'est la règle du jeu. J'ai deux ans de bail".


Paroles, paroles


Las, le Racing perd à Montpellier, il faut honorer les promesses tenues. Jean-Marc et Philippe doivent se rencontrer. Il est des rendez-vous manqués demeurés célèbres: Orphée et Eurydice, Grouchy et Blücher à Waterloo, Ségolène Royal sous le balcon de François Bayrou en 2007. Celui-là les surclasse tous dans la tragédie: dans un SMS qu'on devine lapidaire ("G la tet dan le q dsl lol tcho"), Furlan annonce que finalement, il n'y aura pas de cadeau. "J'ai tellement avalé de couleuvres depuis deux ans, avec des joueurs qu'on m'a imposés et dont je ne voulais pas, que j'en ai ras-le-bol. J'ai tellement été floué et méprisé dans ce club que je ne vois pas pourquoi je respecterais ma parole".

Joueurs imposés? On songe à Renteria, James Fanchone ou Kébé. Des succès inégaux, peut-être, mais pas de quoi rougir devant des Paisley ou Alvaro Santos, favoris de Furlan avec lesquels on en a vu de toutes les couleuvres...




L'épopée Furlan, épilogue: sportif, extra-sportif, méta-sportif... - Celles qu'on connaît à peine Qu'un destin différent entraîne Et qu'on ne retrouve jamais


Alors, que retenir de ces deux années ? A l'heure de clore définitivement le chapitre Jean-Marc Furlan, il est difficile de dire avec certitude quelle déception, sportive ou extra-sportive, est la plus forte et perdurera.


Serial looser


C'est d'abord un échec sportif. Le constat est là, implacable : quels qu'aient été ses ambitions et ses mérites, ne restent aujourd'hui que les précieux jeunes et l'éternel public meinauvien - Furlan laisse donc le club, à une division près, dans une situation identique à celle où il l'avait trouvé. Ce qui est certes la moindre des corrections s'agissant de toilettes publiques. Mais enfin, dans un club promu en Ligue 1, fort de son image de bâtisseur ambitieux, et axant ses discours sur l'éloge de la durée, de la patience, Jean-Marc Furlan avait fait naître de belles espérances... le Racing n'a pourtant aujourd'hui pas davantage de certitudes sur son avenir. On nous dira que les conditions dans lesquelles l'entraîneur aura officié n'auront pas toujours été des plus simples, mais enfin, il se déclarait lui-même prêt à relever le défi...

Ceci dit, si l'échec sportif est une réalité, pour douloureux qu'il fût, il n'est peut-être pas ce qui caractérise le mieux l'ère Furlan : à la vérité, il n'est ni le premier, ni le dernier à échouer à ce poste (coucou Claude Le Roy). En fait, depuis quelques années, le Racing semble s'être accoutumé au va-et-vient régulier entre L1 et L2, ce qui reflète peut-être bel et bien - on tremble au moment d'écrire ces mots -... son niveau réel.

Peut-être l'échec est-il davantage celui d'une méthode. La greffe Furlan n'aura pas pris, faute à une approche peut-être inadaptée à une institution comme le Racing, avec ce qu'elle suppose d'identité forte et de pesanteurs structurelles. A moins que... ça ne soit la méthode elle-même, le problème ?

Ce double échec en entraîne fatalement un troisième : celui d'une stratégie de communication. Confinant à certains moments à l'autisme caractérisé, Jean-Marc Furlan, emmuré dans la maçonnerie compacte de ses obsessions, se sera perdu deux ans durant dans des déclarations abstruses qui avaient surtout pour but de démontrer qu'il était dans le vrai. Même et surtout lorsque les résultats sur le terrain tendaient à prouver, sinon le contraire, du moins la nécessité de regarder la vérité en face et d'admettre sa part de responsabilité. Pourtant, étant donné le crédit dont il jouissait auprès de son président et même des supporters, il lui aurait été beaucoup pardonné s'il avait condescendu à battre sa coulpe quand la roue ne tournait plus dans le bon sens.

Mais non: à l'entendre, c'est le Racing qui aurait dû s'adapter à sa personne, et non l'inverse. Parce que le Racing est ce club instable et malade que tout le monde connaît, et que lui seul, Furlan, pouvait le guérir. En somme, c'est nous tous, les dirigeants, le public, les vieux, les jeunes, qu'il conviait à une bonne préparation mentale, avec lumière tamisée, et Cécile Traverse soufflant "What a wonderful world" dans une flûte de Pan...

Bon sang ! A l'en croire, ses résultats n'avaient donc aucune importance ? C'était oublier que seuls ceux-ci viendraient réellement valider son approche. Et qui sait... Peut-être même qu'à un point près, on aurait pu passer l'éponge et rester copains... Ah, Jean-Marc ! Qu'avons-nous fait de nos deux ans !


Crédit est mort !


Au fond, de déconvenues prévisibles en demies-déceptions, c'est sans doute la sortie de l'Artiste qui mit tout le monde d'accord. L'Alsacien, bête de somme longue à s'émouvoir, mais longue aussi à se détacher, aurait fini par s'habituer à tout, au Girondin, à sa faconde ininterrompue de ruffian méridional. Bon gré mal gré, l'Alsacien, il se serait résolu à entendre pour toujours déplorer ses handicaps congénitaux et sa sotte indifférence à la magnétologie. Comme on se résout à tirer toute sa vie la charrue dans la lourde terre de la Plaine.

Mais c'est tout, et c'est déjà beaucoup. On ne fait quand même pas feu de tout bois ici. Et certainement pas, Gott verdammi... de serments brisés !? Parole donnée, parole sacrée ! Au tribunal de l'âme alsacienne vous fûtes convoqué, Môssieur Furlan, et peine capitale fut prononcée: Bannissement ! Opprobre ! Ire ! Révulsion ! Non-amour ! Sifflets appuyés pour votre éventuel retour à la Meinau ! Retour du reste improbable, si ce n'est à la tête d'une équipe insignifiante et non moins improbable, voire lorraine !

...

Nan, et puis quand même : 400 000 euros, ça fait mal au cul.


(Pour les titres, merci à: 1) Victor Hugo dans Le Roi s'amuse, 2) Georges Brassens, 3) Clément Marot dans Je suis aimé de la plus belle, 4) Paul Verlaine dans Colombine, 5) Jean Anouilh dans Eurydice, et enfin Paul Fort dans Les Passantes)

(Article rédigé avec la complicité de manwithnoname)

zottel

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