Un Tango à Strasbourg

Les cas sont suffisamment rares en France pour qu’on le souligne à chaque fois : Anthony Gonçalves fut, jusqu’à ce mois de juin, le joueur d’un seul club, celui de la ville palindrome, le Stade Lavallois. Celui qui se décrit lui-même comme un jeune de quartier a grandi à Chartres, dans le quartier de La Madeleine, entouré de ses trois frères. En 2001, il est repéré par un recruteur des Tangos, qui lui propose d’intégrer le centre de formation, un choix logique pour lui puisque « fait avec mes parents, qui avait apprécié l'aspect familial du club et la proximité avec Chartres. » Son parcours est relativement linéaire, jusqu’à l’issu de son contrat stagiaire. Pas forcément placé dans les premiers choix de ses formateurs, aucun contrat professionnel ne lui est proposé dans un premier temps, « et puis quelques semaines plus tard, on m'a dit qu'on me gardait... » Rattrapé par la manche, il signe finalement un contrat amateur au moment où le club évolue en National et souhaite disposer quelques remplaçants au milieu de terrain. Une petite chance pour Gonçalves, qui semble toutefois avoir mis de côté son rêve de passer pro : « des jeunes autour de moi se voyaient proposer des contrats, moi, je restais avec un statut amateur et je ne pensais donc pas percer un jour. » C’est avec cet état d’esprit qu’il apparait pour la première fois en équipe première en 2007/2008, avant de progressivement faire son trou et devenir un des titulaires indiscutables de l’équipe de la montée en 2009, au sein de laquelle il séduit les observateurs par sa propension à couvrir une vaste zone du terrain. Durant cet été 2009, à l’âge de 23 ans, il se voit enfin proposer son premier contrat professionnel, une récompense, notamment pour sa famille, qui a « fait beaucoup de sacrifices pour lui. Mon grand-père a même pleuré. Ça m'a surpris car il a fait la guerre quand même » (sic).
 
Après un temps d’adaptation à la L2, et quelques blessures, le milieu aux yeux bleus s’installe définitivement au milieu de terrain en 2011/2012, sous la houlette de Philippe Hinschberger, l’actuel coach de Metz, en enchainant les titularisations.  En 2013, comme une forme de consécration, il hérite du brassard de capitaine après le départ d’Oscar Ewolo, ce qui est aussi finalement une forme de logique, tant Gonçalves avait pris de l’ampleur dans le vestiaire, n’hésitant jamais à prendre la parole voire à se montrer autoritaire. Son coach en avait d’ailleurs déjà fait son relais principal sur le terrain. Cela ne l’empêche toutefois pas d’être décrit comme un vrai « déconneur, un chambreur » par ses coéquipiers, dont il facilite l’intégration au club.
 
Forcément, une telle régularité en L2 ne laisse pas les autres clubs indifférents. S’il considère avoir « l’amour du maillot tango », le milieu se montre honnête : « si un club qui me permettrait d’évoluer me propose un jour un projet, j’y réfléchirai le moment venu, je ne ferme pas la porte.  Mais partir pour partir ne m’intéresse pas, j’ai la tête sur les épaules. Je suis très heureux d’être sous contrat à Laval. Certains ont tenté le coup et ça n’a pas marché. »  Mais à 30 ans, à la croisée des chemins comme il le dit lui-même, et en fin de contrat, c’est sans doute le moment ou jamais pour tenter une nouvelle aventure. Dès la fin de saison, Nancy, qui avait déjà tenté de l’attirer lors de l’été 2015, et Metz ont pris des renseignements, tout comme d’autres clubs de L1 et de L2, mais c’est finalement au Racing qu’il ira découvrir un autre univers que le calme médiatique du club de la Mayenne.

Gonçalves en chiffres

Décrit par les supporters lavallois comme un joueur hargneux, combatif et qui ne lâche jamais, Anthony Gonçalves sait aussi jouer au foot. Lors de la saison passée, il a été positionné essentiellement au poste de milieu relayeur droit, dans un milieu à trois éléments, au sein d'un 4-3-3 classique. Ce poste implique donc à la fois une participation à la récupération mais aussi un apport offensif, pour soutenir à la fois l'ailier droit et l'avant centre. A ce titre, la nouvelle recrue strasbourgeoise s'est particulièrement illustrée, en témoigne sa carte de positionnement moyen:


On le voit, c'est une grande partie de côté droit qui est occupée, signe d'une très grosse activité. C'est ainsi l'un des Lavallois qui parcourt le plus de distance par match.

Sur un plan purement défensif, Gonçalves a disputé en moyenne 6,3 duels défensifs par match, ce qui le place dans la moyenne haute de ses collègues de L2. En revanche, seuls 58% de ces duels ont été gagnés. Son nombre d'interceptions (5,1) est également dans les standards du poste.
Par son positionnement sur le terrain, la vraie plus value du joueur doit plutôt se situer sur son volume de passes. Dans ce registre, il tourne à 32,6 passes de moyenne, avec une pointe à 58 lors du dernier match contre le Paris FC, à 86% de réussite. Des passes d'abord orientées vers ses partenaires du milieu, puis vers son latéral et son ailier droit. En plus de cela, il faut ajouter les 6,7 passes longues tentées, à 52% de réussite, par match.
Dernier point sur son apport, la participation offensive où Gonçalves se montre très généreux, avec 4,1 duels offensifs tentés, mais aussi 4,7 centres (10 lors du match contre Evian TG !), ce qui est conséquent pour un milieu axial.
Au final, Anthony Gonçalves se révèle être un joueur assez complet, capable de participer à la récupération, mais aussi d'apporter offensivement, malgré un déchet notable, probablement en raison de son abattage.

A titre indicatif, comparons enfin le joueur avec les deux milieux axiaux qui seront ses futurs coéquipiers, Jérémy Grimm et Mayoro N'Doye, étant entendu que les trois hommes n'évoluaient pas dans la même division.

Dans ces domaines caractéristiques des milieux axiaux, Gonçalves se rapproche donc nettement du profil de Mayoro N'Doye, dans un rôle de relayeur que n'occupe pas Grimm. Si Thierry Laurey décide de mettre en place un 4-4-2 « classique », c'est à dire avec deux milieux axiaux, le Sénégalais devrait être mis en concurrence avec la nouvelle recrue. En revanche, dans un milieu en losange, les deux peuvent être compatibles.