Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

« Evitez de monter cette année ! » / « Strasbourg est logiquement favori »

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Par sa3ntiago
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© manacor67

Après la grande radevrouille des Brestois à Strasbourg, samedi dernier, et deux versions contradictoires de l'histoire, voici l'interview schizophrène de supporters de l’AJA …avec un zeste de mauvaise foi !

« Evitez de monter cette année ! » (Version méchants)

Yeux bandés, une bande organisée de six beaufs bourguignons ou autres djihajaïstes auxerrois radicalisés sur Forum AJA 1905, m’emmène dans son repaire secret, qu’ils appellent entre eux la Guytoune, et c’est en enregistrant en cachette et au péril de ma vie, que je réalise cette interview.

L’entretien commence par le baiser rituel au gui orange qui est leur signe de ralliement, sous la photo de leur icône icaunaise : Guy ‘faut-pas-gâcher’ Roux. J’ai alors face à moi des supporters excédés et nostalgiques d’une époque révolue : « pour nous, la mémoire c’est 1980-1996, l’Europe, les Coupes... Le reste n’est que soubresaut enfantin ». Et accusent, rageurs : « on a comme direction des mecs incompétents. Notre recrutement estival fut un festival de conneries, à montrer dans toutes les écoles de recruteurs, comme l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Le mercato a un peu corrigé le tir, mais c’est encore insuffisant. Notre jeu est affligeant : des passes longues car on est incapable de construire, des contrôles ratés, des passes à 2 m qui n’arrivent pas dans les pieds... La faute à une formation en déshérence. » « Les joueurs prêts physiquement savent pas faire une passe, et les autres ils se traînent une charrette et ils sont cramés à la mi-temps, recrutement... comment dire... foireux ? » Puis on tape du poing sur la table : « on est une équipe lambda de Ligue 2 (…) qui vit une période difficile. » On a connu Viorel Moldovan, l’entraineur, « qui en a marre puisqu’on lui promet des moyens [mais] se retrouve à n’avoir personne après avoir quémandé un ailier pendant 2 mois, devant se débrouiller avec les jeunes en en lançant 1 ou 2 nouveaux à chaque match pour essayer de faire bouger les choses, qui craque au bout de 10 journées sur beIN Sports et qui se retrouve ainsi licencié. On rajoute à tout ça des moments de troubles au niveau de l’équipe dirigeante avec le rachat du club par James Zhou, (…) l’imbroglio invraisemblable avec J.P. Papin en janvier dernier et on réalise un cocktail explosif qui risque bien d’exploser à la tête du club si on ne se maintient pas ». On va foutre un « bordel pas possible », menace clairement le plus virulent. Pour effacer cette colère dangereuse, ils préfèrent s’enfermer dans un délire de persécution et des thèses complotistes : c’est fait exprès, disent-ils, jouer le lundi fera que « notre réserve ne pourra pas piocher sur nos remplaçants de Ligue 2 pour composer son équipe qui joue le maintien en CFA ». « Les arbitres sont méchants », tonne un autre « on joue avec le soleil dans les yeux, le vent tourne en notre défaveur à chaque mi-temps », on flirte avec le racisme lorsqu’ils s’attaquent à M. Bel Hadj, mais heureusement, coupe l’un, « comme ce sera M. Jaffredo au sifflet, on a une chance de ne pas perdre », avant de se faire réprimander par le regard mauvais de ses acolytes, indiquant qu’il vient de trahir un secret…

Dès que, sous la menace, ils me font avouer que je suis envoyé par le club qu’ils exècrent, les hostilités commencent. L’un me dit juste mon nez : « le seul Racing en France, c’est le RC Lens et tout le monde le sait. Vous essayez de les copier avec votre nom, votre public mais ça prend pas, on a repéré la supercherie ». Un autre nous lance au visage que nous avons compté Domenech dans nos rangs, puis ils commencent à égrener avec un plaisir manifeste et une précision de psychopathes des durs moments pour nous : « le 13 mai 2006 », il y avait eu « un 4-0 à l’Abbé-Deschamps » et « d’ailleurs, le 5ème but était valable, il n’y avait pas hors-jeu ! », martèle l’un. J’ai aussi pris plaisir au « 0-4 que s’est pris le Racing à domicile contre l’OL », rajoute-t-il, froidement, « c’était le 3 mai 2003 ». Un autre me rappelle, avec cruauté, la montée ajournée lors du match contre Amiens, en 2016 : « match de la montée jusqu’à la 93ème minute et cette stupeur après la bourde d’Oukidja et le but de Kamara qui a glacé toute la Meinau ». Le même, non sans perfidie : il y a aussi « cette victoire en Coupe de France y’a 2 ans, [et] notre joli parcours qui nous a emmené jusqu’au Stade de France, [avec] victoire 1-0 en 1/32ème grâce à un coup franc direct de Gragnic et avec Strasbourg qui loupe un penalty en toute fin de match. » Les sourires entendus qui accompagnent ce souvenir me laissent comprendre qu’il y a peut-être une cinquième colonne dans nos rangs… On peut aussi s’attendre au pire puisque l’un nous souhaite « accident de calèche de [n]os joueurs », qui sous-entend peut-être, dans leur langage campagnard, un attentat contre le bus des Bleus, et qu’un autre nous prévient que « le lundi est un jour maudit » avec un regard noir qui cache des rites sans doute peu avouables. Puis, poussé par l’alcool, les yeux rougis, un dernier précise la menace, révélant qu’« un somnifère ou un laxatif [sera servi] dans votre collation d’avant-match », sinon une drogue euphorisante qui les ferait gagner grâce à « l’enthousiasme strasbourgeois ». Puis l’un s’emporte vociférant qu’à cause de nous, si jamais ils devaient descendre en National, « on a maintenant des records d’affluence quasiment impossible à battre dans les divisions inférieures. » Cela tourne alors au déferlement de haine et d’attaques gratuites : « l’Alsacien, c’est un peu le Belge qu’a pas trouvé la Suisse… d’où cet accent un peu bâtard. Et cette faculté à te mélanger le français et l’allesacien (oui parce qu’en vrai, au lieu d’Elsassisch, on devrait dire allemand !) en demandant “zwei baguettes”(1) au boulanger » lance, goguenard, un d’eux qui prétend avoir pris des coups lors d’« un Racing-Sochaux en 2004 », coincé entre un supporter de chaque équipe, avant de reprendre avec ironie : « Et sinon, vous en êtes toujours au point où il faut enlever les pavés autour des rails du tram pour pas que les méchants ils arrivent au centre-ville ? ». L’un me menace, alors : « Si vous perdez chez nous, va falloir que tu oses sortir le maillot le lendemain ! »

J’essaye alors, pour contenir leur violence avinée, de savoir comment ils entrevoient le match de demain. Mais ils me parlent, rancuniers, du match aller à la Meinau : « En championnat, on méritait sans doute un peu mieux. [… A 1-0] on arrive à revenir au score grâce à un joli but de Courtet mais finalement, on craque sur un but casquette, totalement évitable, un CSC de Sparagna. » Ce souvenir douloureux n’empêche le même de se gausser d’une injustice : « on a eu 10 jours pour préparer ce match contre une seule semaine pour Strasbourg du fait que vous jouiez déjà le lundi la semaine dernière, Daury a eu plus de temps que Laurey pour concocter un plan redoutable ». Par exemple, « une panne de courant au moment où Courtet tente son lob » ! De toute façon, sans foi ni loi, ils sont prêts à tout pour gagner : « on signe aussi pour une victoire made in ligue 2 sur un CSC, un hors-jeu oublié, un penalty litigieux ! »

Lorsque je leur demande s’ils seront présents à l’Abbé-Deschamps, 5 sur 6 me répondent par la négative l’un étant dans le Var (tiens, tiens), un autre infiltré en Alsace, trois autres « trop loin », alors qu’un dernier préfère garder un silence des plus suspects. C’est sans doute la question de trop, car, après m’avoir fait les poches et m’avoir obligé à leur souhaiter un bon match, ils me rebandent les yeux et me redéposent à la gare non sans s’être moqués de moi : tu sais, « pourquoi y a-t-il marqué PF sur le bus du RCS ? Pour "Pon Foyage ! »

Pour sûr que le nôtre, à Auxerre, soit très bon…

(1) Cet analphabète ne sait même pas parler, puisqu’on dit “zwei baguetten, siöplé”…

« Strasbourg est logiquement favori » (Version gentils)

C’est sous un portrait souriant de Xi Jinping et de Guy Mo… Cotret que ce groupe de supporters rencontrés sur Forum AJA 1905 – où ils s’enrichissent mutuellement en débattant de leur club de cœur – m’accueille à bras ouvert, pour partager canards bourguignons et bœufs laqués, arrosés au bon vin de Bourgogne sur fond de l’album Fantaisie Militaire d’Alain Bashung, dont ils connaissent l’“Ode à la vie” par cœur.
Je rencontre en ce jour des gens posés, réalistes mais ambitieux : « on a eu pas mal de bouleversement cette saison avec 3/4 de l’équipe à reconstruire ainsi qu’un changement d’entraîneur. Après un début de championnat compliqué malgré des joueurs de qualité (Boucher, Tacalfred, Mathis, Courtet, Touzghar...), l’entraîneur décide de ragequit (1) le club sur beIN Sports. C’est triste mais le club fait acte et trouve un remplaçant. Dans le même temps, on a un repreneur qui compte injecter des sous qui rachète le club, James Zhou. » Ils ont l’air tout à fait emballés par le projet du nouveau propriétaire venu de loin exprès pour eux : « on voit l’effet immédiat avec l’arrivée d’Obraniak au club. Au mois de janvier, on continue notre mission pour se renforcer en prenant des joueurs de bonnes qualités en prêt avec Touré et Yattara pour l’objectif commando, celui du maintien. On attendra que le club soit sauvé pour penser à autre chose et pour investir pour essayer de viser autre chose, pourquoi pas dès la saison prochaine. Auxerre est un club historique de Ligue 1 et se doit de remonter. » S’ils ont pleinement conscience que ce ne sera pas cette année pour eux, même s’ils affirment qu’ils ont « du potentiel », ils sont fair play : « l’Alsace mérite un club en Ligue 1 et j’espère que Strasbourg y arrivera dans les années à venir, pourquoi pas dès cette saison ! » Prenant du recul et regardant l’évolution de leur club sur le long terme, ils résument : « Guy Roux est parti. Sous Santini ça allait encore, c’était sympa à suivre, puis Jean Fernandez est arrivé. Manque de bol, il a aussi amené un bus avec lui, du Toif’ Maoulida, du Oliech, du Capoue, du Chafni, et aussi de l’inconnu au bataillon. Beaucoup. Là, c’était quand on a commencé à creuser. Ensuite, ben... on a continué ». Toujours optimistes et voulant voir le verre à moitié plein, ils rajoutent : « et on a été très bons pour ça. » D’ailleurs cette année, « il nous manque trois victoires et quelques nuls pour se maintenir, ça serait positif de réussir à déjà en réussir une dès lundi ». Lorsque j’essaye de leur parler de leur classement, ils écartent d’un geste amical mes préoccupations : il n’y a « rien de spécial, comme chaque année on joue le maintien, Guy Roux l’a assez répété, rien d’inhabituel à cela ». En se resservant du jus de pomme bio local, mon interlocuteur dissipe toute crainte : « tout va bien, on est encore en course pour le maintien et la coupe Gambardella, saison très correcte étant donné l'effectif, les coachs et la direction ! » « La situation est sous contrôle ! », relance un dernier. « Dans cette course à l’échalote, ce n’est pas Orléans mais le Red Star qu’il faut doubler, et si mes calculs sont exacts cela devrait être fait lors de la 38ème journée ». Et de me chuchoter une confidence : là, « sur le rectangle vert on est plus proche d’un Benny Hill (sans les seins nus) » mais me promet que ça finira « comme du Sacha Guitry ! »

Quand ils parlent du RCS c’est avec chaleur et amitié, soulignant la complicité des clubs : « on a soigné Gragnic pendant 1 an sans le prolonger et c’est vous qui en récoltez les fruits ». Je leur parle de notre partenariat similaire avec le LOSC pour Guillaume et rions aux éclats. Je sens beaucoup de respect pour nous : vous, vous être « connus pour [vôtre] choucroute et [vôtre]marché de Noël ». En plus, « vous êtes la plus grande ville de L2 au nombre d’habitants et vous avez réussi à monter avec Papin ! », qui n’aura été qu’un bref pépin de janvier, chez eux. Ils ont gardé un bon souvenir des confrontations avec le RCS et n’en retirent que le meilleur : « on a eu du bol sur les deux matchs. Même si on a perdu chez vous, on a marqué un but inespéré, c’est déjà ça. Sinon, chez nous, vous n’étiez pas prêts. » Attendant que son camarade ait terminé, un autre renchérit : « la victoire en Coupe [de la Ligue, NdR], c’était un match du mois d’août pas forcément très révélateur du niveau des deux équipes, vu qu’il y a toujours au moins un léger turn-over », analyse-t-il. A l’AJA, « je retiens la bonne complémentarité du duo Vincent-Courtet en attaque que Moldovan n’a plus jamais remis en place, préférant aligner systématiquement la recrue Touzghar. » Avec une décontraction digne d’une émission politique animée par Karine Lemarchand, l’un d’eux me promet de nous apprendre à faire les chats angoras et ronronner, comme le fait en conférence de presse leur entraineur, Cédric Daury, fort de notre amitié scellée.

Le match de demain, ils l’abordent avec décontraction et assurance. Contents de regarder leur équipe « sous les yeux de Christophe Jamot et Jean-Luc Arribart. Deux grands pontes de la télé, deux esthètes du football », le fait de jouer un lundi ne les gêne pas : « ça change pas grand-chose au final. Qu’on joue le vendredi, le samedi ou le lundi, il faut prendre des points pour ne pas subir le spectre de la relégation. (…) Après, au niveau de la préparation, c’est sans doute plus pratique pour les joueurs en jouant tout le temps le vendredi. Cela permet au joueur d’avoir leur samedi, après le décrassage, et le dimanche de repos. Là, les joueurs vont devoir s’entraîner tout le week-end mais au final, vu qu’il y a la trêve internationale juste après, ça compense. » S’ils sont même très philosophes, « le lundi, c’est ravioli et grâce à ça le week-end de ceux qui perdront ne sera pas gâché », ils ne visent pourtant pas moins que la victoire : « les matchs nuls on les souhaite aux concurrents, ça leur fait un point de moins. » Pas plus qu’ils ne sont impressionnés par notre équipe : « nos joueurs sont capables de gagner » car « Strasbourg est assez inconstant à l’extérieur donc il y a la place pour prendre des points surtout qu’on réussit pas trop mal contre les équipes du haut de tableau ; on a notamment battu Brest 3-1 à la maison. » Bref, ils croient en eux : « on a une équipe séduisante cette année, d’ailleurs on a déjà commencé à vous manger au classement, je crois ». S’ils espèrent avoir « la chance et un ou deux coups de bol », ils attendent surtout « le réveil de Yattara et l’efficacité retrouvée de Courtet », « un Tacalfred des grands soirs » et misent sur « la compo génialissime de Daury », un bon « 3.5.2 ».

L’heure ayant tourné sans que nous nous en soyons rendu compte, il est déjà temps de nous quitter. Nous échangeant facebooks, numéros de téléphone, écharpes, femmes et maillots, c’est avec plaisir que nous nous apprêtons à nous revoir tous à l’Abbé-Deschamps pour que le foot soit une fête !

(1) Ou de « claquer la porte avec fracas », dans leur langage urbain et novateur.

***
Merci aux six supporters de l’AJA qui ont accepté de répondre à mes questions et de se prêter au jeu de cette interview ! Comme je ne suis pas journaliste, je donne mes sources et vous pouvez retrouver leurs (vraies) réponses complètes sur leur forum : http://forum.aja-1905.fr/viewtopic.php?f=4&t=4984
Bon match à tous, et vive la France blanche, bleue, belle !

NB. Ces interviews virtuelles ont été réalisées le vendredi 17 mars, avant les résultats de la soirée… et l’improbable victoire de Tours à Valenciennes, qui envoie Auxerre à la 18ème place.

sa3ntiago

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