Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

« Dès le départ les dés étaient pipés »

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Souvenir/anecdote
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Par strohteam
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Gérard Hausser sous le maillot du Racing (en 1972)

A quelques jours d'un France-Mexique forcément particulier pour lui, Gérard Hausser a accepté de nous raconter sa coupe du monde 1966.

Au milieu des années 1960, l'équipe de France est, comme souvent en reconstruction. L'épopée de 1958 semble déjà lointaine et le football tricolore peine à conserver son rang sur une scène européenne de plus en plus concurrentielle. Éliminés de la course au Mundial chilien par les Bulgares, les Bleus butent également sur les Hongrois en quarts de finale de la Coupe d'Europe des Nations 1964. Ce double échec provoque une véritable réorganisation au sein de la Fédération qui, pour la première fois, nomme un sélectionneur permanent, Henri Guérin, en lieu et place des comités existant précédemment. La mission de Guérin est bien évidemment de qualifier l'équipe nationale pour la prochaine Coupe du Monde qui doit se dérouler en Angleterre. C'est dans ce contexte qu'un jeune ailier gauche se fait remarquer, à la faveur du très beau parcours du Racing en Coupe des Villes de Foires. Buteur contre Milan et Barcelone, Gérard Hausser est mis sur le devant de la scène par les journalistes de l'Equipe qui « déjà faisaient la pluie et le beau temps ». Une semaine après le match d'appui contre les Catalans, il débute avec les A contre l'Autriche en match amical et signe son arrivée d'un but. Ce match est l'occasion pour le sélectionneur d'essayer plusieurs nouveaux joueurs, dont Denis Devaux qui a également brillé avec le Racing en coupe d'Europe mais qui ne sera plus appelé par la suite, notamment pour des raisons de tactique défensive. C'est l'époque de la grande querelle entre le béton et la défense en ligne et Devaux joue libero au Racing alors que les Bleus évoluent volontiers en ligne (1).

Moins concerné par ces débats défensifs, Gérard Hausser sera lui retenu pour le reste de la campagne de qualification, qu'il disputera sur son côté gauche. Les Bleus s'inclinent en Yougoslavie (0-1) mais se rattrapent en déplacement en Norvège (1-0). Comme les Norvégiens ont battu les Yougoslaves, la réception de ces derniers au Parc des Princes est une véritable finale, que les Bleus gagnent une nouvelle fois sur le plus petit des écarts grâce à un but du débutant Philippe Gondet. Une qualification qui rapporte aux joueurs la somme mirobolante de 575 francs, dont 200 de frais, la prime collective étant partagée avec les remplaçants non entrés en jeu. Autre temps, autres moeurs.

Conforté par ses prestations en club - le Racing est moins à la fête en championnat mais gagne la coupe de France - Gérard Hausser ne quitte plus le groupe, disputant les matchs amicaux préparatoires contre l'Italie (0-0), la Belgique (0-3) et l'URSS (3-3). Il est donc logiquement appelé dans les 22, en compagnie du gardien Johnny Schuth. A l'époque, les calendriers sont moins surchargés et la Coupe du Monde débute plus tard en juillet. Les Bleus ont donc quatre semaines pour se préparer et partent pour un stage en Ecosse, à Peebles avec leurs propres effets personnels ! La Fédération n'avait en effet pas eu le temps de préparer les tenues. L'anecdote révèle bien le degré de désorganisation qui règne au sein de la sélection nationale qui dispose non pas d'un mais de trois entraîneurs pour cette phase finale - Henri Guérin, Lucien Jasseron, Robert Domergue - ainsi que d'un directeur sportif, Jacques George (2). C'est ce dernier qui parvient à retenir in extremis Lucien Muller après seulement deux jours de stage. La vedette du Real Madrid puis du FC Barcelone ne parvient pas à s'adapter aux consignes aussi dogmatiques qu'opposées des deux adjoints, Jasseron et Domergue. Ce dernier s'est par exemple mis en tête de faire effectuer aux joueurs des matches d'entraînement à une seule touche de balle et n'en démord pas ! Ces incessantes querelles tactiques vont véritablement miner l'équipe du début à la fin de la compétition. Difficile en effet de trouver une cohérence entre des joueurs habitués à jouer le béton comme Jean Djorkaeff et d'autre formés à l'école nantaise, comme Robert Budzynski, ou valenciennoise comme Joseph Bonnel. Pourtant séduisante sur le papier, l'équipe de France ne parviendra pas à accoucher d'un collectif.

Les Bleus ouvrent la compétition à Wembley contre le Mexique. Souvent débordés derrière en raison de leurs errances tactiques, ils finissent par encaisser un but peu après le retour des vestiaires (0-1, 48'). Treize minutes plus tard, sur un long dégagement, Gérard Hausser vient faire le pressing sur le défenseur adverse. Son intervention profite à Gondet qui récupère le ballon derrière et sert immédiatement le Strasbourgeois. En position favorable, Gérard Hausser crochète, poursuit sa course et marque du droit des 18 mètres avec l'aide du poteau rentrant (1-1, 61'). « Sur le moment, on en s'en rend pas compte. On avait fait de tels à bon matches à Milan, Barcelone avec le Racing que Wembley c'était un parmi tant d'autres ». Ce n'est que plus tard que Gérard Hausser réalisera la portée de son but, dans un stade mythique et lors d'une coupe du monde à seize. Il est encore aujourd'hui le seul joueur strasbourgeois à avoir marqué avec l'équipe de France en phase finale de coupe du monde.

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Le deuxième match, contre l'Uruguay, est déplacé à la dernière minute de Wembley à White City en raison, d'une... course de lévriers ! Aussi improbable que cela puisse paraître, les canidés étaient à l'époque prioritaires sur les footballeurs et l'équipe de France se trouve donc délocalisée dans le vieux stade des Jeux olympiques de 1908. Elle ouvre le score sur penalty par Hector de Bourgoing (1-0, 16') mais peine toujours autant derrière avec des joueurs peu à l'aise en matière de marquage individuel. La Céleste profite des dégagements hasardeux de la défense française pour refaire rapidement son retard par Pedro Rocha (1-1, 27') et double la mise cinq minutes plus tard par Julio Cortes (2-1, 32').



Comme en 2010, les Bleus doivent affronter le pays organisateur après l'Uruguay et le Mexique. Avec une défaite et un nul avant d'aborder le grand favori, plus personne ne leur accorde aucune chance. Robert Domergue a même déjà quitté la Grande-Bretagne pour rejoindre Marseille et préparer la saison de championnat à venir. Face à l'impéritie de leurs entraîneurs, les joueurs se révoltent quelque peu. « Nous nous étions réunis en comité restreint et nous avions décidé de jouer en fonction des habitudes de ceux qui étaient en place » révèle Gérard Hausser. Cette équipe versant dans l'auto-gestion sera au final la plus cohérente des trois, manquant de peu d'ouvrir le score avant d'encaisser deux buts gags de Roger Hunt (0-1, 36' ; 0-2, 75'). Handicapée par les blessures et un arbitrage discutable, l'équipe de France est défaite et logiquement éliminée de la compétition.

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« Dès le départ les dés étaient pipés » analyse Gérard Hausser qui pointe du doigt la mauvaise préparation, l'indécision tactique et les querelles à la tête de l'équipe. L'échec de 1966 marquera d'ailleurs le début d'une longue éclipse puisque l'équipe de France ne se qualifiera plus jusqu'en 1978, avec Dominique Dropsy comme gardien remplaçant.


Gérard Hausser sera présent vendredi 17 juin au local de la Fédération des supporters pour la diffusion du match France-Mexique, quarante-quatre ans après son but. Venez le rencontrer ! (Inscriptions : fsrcs.local@gmail.com)


Notes


(1) Paul Frantz se résoudra une seule fois à essayer la défense en ligne, à la demande justement de Denis Devaux qui ne voulait pas handicaper ses chances en équipe de France. Le résultat peu probant - défaite 5-0 contre Manchester United- confirmera l'entraîneur du Racing dans son choix du marquage individuel.

(2) A suivre sur racingstub.com, un article plus détaillé sur le personnage Robert Domergue et les querelles tactiques de l'époque

strohteam

Commentaires (1)

Flux RSS 1 message · Premier message par athor · Dernier message par athor

  • Face à l'impéritie de leurs entraîneurs, les joueurs se révoltent quelque peu. « Nous nous étions réunis en comité restreint et nous avions décidé de jouer en fonction des habitudes de ceux qui étaient en place »
    -> c'est encore le cas actuellement, non ? :)

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