Saison 2023/2024
Racing Club de Strasbourg

RPSM, Partie I : la mariée était trop belle

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Le RPSM, saison 70-71

Dans l'histoire du foot strasbourgeois, deux clubs se sont distingués : le Racing côté pro, les Pierrots côté amateur. Il n'en fallait pas plus pour qu'on décide un jour de les unir. Retour sur ce mariage de raison, qui, sans amour, était voué à

La rengaine alsacienne
On dit de l'Alsace qu'elle est une terre de traditions. Et en matière de football les traditions sont nombreuses. Au Racing par exemple il est de coutume qu'à chaque fin de décennie le petit microcosme politique et sportif de la capitale européenne décrète un grand club à Strasbourg... Fin des années 90 : Patrick Proisy et ses envies de Savicevic ou Baggio ; fin des années 80 : Daniel Hechter annonçant « un jeu à la nantaise » à la Meinau ; fin des années 70 : André Bord qui affirme ses ambitions européennes ; et fin des années 60, où l'on s'apprête à fusionner les deux plus beaux enfants du foot strasbourgeois : le Club Sportif des Pierrots et le Racing.
Il est vrai que dans les années 1960, ces deux clubs ont plutôt bien évolué.

Le Racing côté pro...
Vainqueur héroïque de la Coupe de France 1966 contre le Champion de France nantais et auteur de bons parcours en championnat et en Coupe d'Europe (éliminant notamment le Milan AC et le Barca en 65 et ne chutant qu'en quarts de finale contre le Manchester de George Best et Bobby Charlton), le seul gros point noir de cette belle période sportive est - comme souvent à Strasbourg - une crise budgétaire : en 1968, le Racing est en grosse difficulté financière et les dettes sont énormes.

Apparaît alors Alfred Wenger à la tête du club. Célèbre pour son accent alsacien très prononcé et le cigare éternellement collé aux lèvres, ses longues bouderies suivaient toujours de retentissantes colères. En tout cas, ce chef d'entreprise qui vivait dans une propriété entourée de biches, de faons et de poissons, s'est chargé de maintenir le club à flots financièrement, évitant ainsi (provisoirement) la dilapidation du bel héritage sportif.
Au passage, Wenger use également de quelques méthodes musclées (en engageant par exemple un détective privé qu'il charge de surveiller pendant deux semaines toutes les sorties et boissons consommées par Dario Grava, Marc Molitor et Jean-Noël Huck).

... et les Pierrots côté amateurs
Les Pierrots conquièrent d'une part le titre de Champion de France amateurs en 1969 et 1970 : à cette époque ce titre signifiait vraiment quelque chose car les amateurs n'étaient pas encore totalement asphyxiés par le monde professionnel ; aujourd'hui il est vrai qu'un match Hochfelden – Monswiller (3-0) suivi le long de la main courante et accompagné d'un rafraîchissant breuvage de la spécialité locale passionne bien moins la foule qu'un télédiffusé Udinese – Lazio, dont le résultat s'oublie pourtant à une vitesse météorique...

Les Pierrots auteurs d'autre part de quelques exploits vibrants en Coupe de France, en atteignant par exemple les 8ème de finale en 1964. Au cours de ce parcours, les Pierrots vont battre un record qui n'est pas prêt d'être renouvelé : en 16ème de finale, leur confrontation contre Agde dure... 8 heures ! En effet à cette époque les tirs aux buts ne sont pas appliqués et les équipes à égalité après la prolongation rejouaient leur match la semaine suivante... contre Agde, les Pierrots concèdent le nul trois dimanches de suite. Et il faut attendre la 80ème minute du 4ème match pour qu'ils marquent enfin le but qualificatif...

Cet épisode (qui leur vaut la couverture du journal France Soir) ainsi que leurs exploits répétés en championnat et en Coupe de France font des Pierrots l'un des clubs amateurs les plus populaires et reconnus du pays à la fin des années 60.

Une fusion unanime
Ce sont donc ces réussites respectives qui poussent les dirigeants à unir la destinée des « bleus et blancs » avec celle des « jaunes et noirs ». Cet union est d'ailleurs approuvée par la très grande majorité des dirigeants (233 votants se prononcent pour la fusion, 1 contre et 2 s'abstiennent).
Il est vrai que l'objectif est louable puisqu'il s'agit de rassembler tous les talents pour « réaliser à Strasbourg un très grand club digne de la capitale de l'Europe » (tradition de fin de décennie qu'on vous dit !)
Le président de l'Omnisports du Racing, Jean-Nicolas Muller – un chirurgien de formation – se charge d'effectuer cette greffe qui prend effet à l'intersaison 70/71 sous le nom de Racing Pierrots Strasbourg Meinau (le RPSM).

Sur le terrain la répartition des joueurs se fait logiquement : les meilleurs jouent avec les pros et les autres évoluent dans l'équipe réserve, en championnat amateur. Mais naturellement cette nouvelle distribution des rôles ne fait pas que des heureux et ce n'est pas moins de 62 joueurs qui quittent le club ! A l'inverse beaucoup de jeunes joueurs arrivent au RPSM pour entamer la prometteuse saison.

Une saison 70/71 catastrophique
Malheureusement on déchante très vite : l'équipe entraînée par Paul Frantz assisté de Paco Mateo ne parvient pas à se mettre en place et le passage expéditif de l'entraîneur hongrois Jelse Czaknady de février à avril 1971 ne fait qu'aggraver la situation : en à peine trois mois, il réussit à se mettre à dos une grande partie de son effectif (notamment Molitor à qui il dit un jour que les études de kiné qu'il poursuit, « c'est de la merde »).

Au final le RPSM est relégué en D2... Et dans les coulisses les choses se gâtent déjà : le 14 juin 1971 un groupe d'anciens Pierrots fait dissidence et quitte le RPSM pour fonder l'AS Vauban.
A peine un an après la fusion, la grande famille du football strasbourgeois entame déjà sa séparation...
Alors que le RPSM prépare sa saison en D2, l'AS Vauban quant à lui récupère le stade des Pierrots mais doit repartir tout au bas de l'échelle, en 4ème division départementale !

72/ 76 : des saisons sans passion
Malgré ces remous, la saison en D2 du RPSM est très bonne et se solde par une seconde place qui permet une remontée immédiate. Il faut dire que le président Wenger avait frappé un grand coup quelques mois plus tôt en arrachant à tous les autres clubs français le très convoité Ivica Osim : le meneur de jeu yougoslave rayonna tout au long de la saison, à tel point qu'un bon nombre de joueurs de l'équipe l'appelaient ''Monsieur''.

Malheureusement la suite est bien moins réjouissante car les saisons se suivent sans grand succès, notamment à cause de problèmes financiers, d'une crise institutionnelle (grève nationale des joueurs en décembre 72 qui précipite la démission de Wenger) et surtout de choix sportifs incohérents (vente d'Osim, achat des décevants allemands Libuda et Van Haaren).

En 1976 le RPSM redescend en D2 et redevient officiellement le Racing Club de Strasbourg. L'AS Vauban récupère de son côté l'appellation de Pierrots en 1977 (pour devenir l'AS Pierrots-Vauban).

L'après RPSM
Du côté du Racing, le sacre de 79 montre que l'épisode de la fusion fut finalement assez rapidement digéré. Mais que dire alors du parcours de l'AS Pierrots-Vauban ! Entraîné par Max Hild, l'équipe des Pierrots (avec Arsène Wenger dans ses rangs) est invaincue pendant 113 matchs de championnat consécutifs et grimpe à nouveau tous les échelons sportifs.
Et le club parvient à nouveau au titre de Champion de France de sa division en 1981 et 1982 (avec Raymond Kaelbel comme entraîneur et Jacky Dugueperoux comme joueur).

Les raisons d'un mariage raté
Plusieurs causes expliquent probablement l'échec de l'union entre le Racing et les Pierrots ; la principale étant sans doute l'empreinte d'un homme hors du commun, Emile Stahl (retrouvez son portrait ici). Il faut en effet souligner l'impossibilité de faire cohabiter des méthodes de gestion totalement différentes. Entre le club familial des Pierrots et l'éternel jungle du Racing, difficile de trouver un terrain d'entente...

Un exemple l'illustre parfaitement : en 1962, Hubert Hausser est un grand espoir du Racing qui s'apprête à signer pro et à rejoindre ainsi son frère Gérard Hausser dans l'effectif meinauvien. Malheureusement une blessure au genou le laisse sur un lit d'hôpital pendant trois mois. Pourtant durant cette période douloureuse, aucun des dirigeants du Racing ne daignera venir prendre de ses nouvelles... Dégoûté, Hubert Hausser renonce à sa prometteuse carrière professionnelle et signe aux Pierrots où on il est recueilli comme un fils.

Dans cette union ratée de la grande famille du football strasbourgeois, peut-être que la mariée était trop belle. A moins que ce soit le marié qui ne l'était pas assez...

Sources :
Allez Strasbourg ! Christian Villa (Calmann Lévy - 1979) ;
Il était une fois le Racing : toute l'histoire du club Omnisport strasbourgeois ; coll. (Berger Levrault - 1991) ;
Pierrots Vauban, 1921-1996 : 75 ans (1996) ;
Historique de l'AS Pierrots-Vauban ; (ARES Flash -1996)
Site de l'ASP Vauban

(Retrouvez ici le portrait d'Emile Stahl).

filipe

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